mardi 16 février 2016

CHAP. 7 - OPÉRATION ARSÈNE LUPIN


Aucun arbre ne peut pousser jusqu’au ciel, 
mais moi… oui.






 Je prends quelques jours de repos, après ce voyage mouvementé, mais instructif.
Je traînaille dans les Pâquis, vais boire un coup chez l’ami Gary qui devient un vrai Bibendum. Il a trouvé moyen d’installer un siège confortable qui se déplace sur un rail tout le long du bar. C’est ainsi qu’il sert les clients assis de l’autre côté. Astucieux… mais pas bon du tout pour sa santé.
– Merde Gary, t’as posé les plaques ou quoi ? Tu vas exploser, fais gaffe !
–T’inquiète, je suis peinard derrière mon bar. De toute façon ça ne durera pas, autant profiter.
Si j’avais su que c’était prémonitoire.
– Et toi, tu as disparu où ?
– J’ai fait un voyage au Cap Nord en Norvège.
– T’es barjo… aller au froid !
– Au fait, faut que je te parle, j’ai une affaire à te proposer. Viens, passons à l’arrière dans la cuisine.
– Je connais un indic qui me file des adresses susceptibles d’être intéressantes pour nous, tu vois ce que je veux dire. Il bosse dans une entreprise de nettoyage « Net et Clair ». Tu es d’accord de le rencontrer ? Il va venir ce soir.
– Gary… tu n’as quand même pas l’intention de jouer au monte-en-l’air dans ton état ?
– Non… non, je te mets en contact, et vous me filez une com… OK  ?
– Faut voir, tu connais ma prudence proverbiale. Mais, va pour ce soir.
11 heures, un petit mec maigrelet se pointe, et vient s’assoir à ma table.
– Tchao… ye souis José et toi… Blaise ? 
– Oui, c’est bien moi… salut, José, tu bois un coup… Gary deux whiskies-coca… ah oui, c’est vrai, tu ne te déplaces plus, c’est bon, je viens les chercher. 
– Alors José… raconte-moi tout.
– Ben voilà, comme Gary te l’a dit, je suis chef d’équipe dans une entreprise de nettoyage. Nous sommes spécialisés pour les gros nettoyages de fin de chantier. Dernièrement nous avons terminé les finitions du palais d’un millionnaire anglais à Bellevue. Tu me suis ?
– Ouais, mais je ne vois pas où tu veux en venir.
– J’y viens. Pour mon boulot, j’ai été en possession des plans détaillés de cette maison, j’ai du les rendre, mais avant, j’en ai fait une copie, tu piges. 
– Je commence. Continue.
– Sur ce plan, 2 choses sont dignes d’intérêt, l’emplacement exact de deux coffres-forts muraux, un pour Madame et un pour Monsieur. J’y suis retourné il y a une semaine pour un problème de facturation, les proprios ont emménagé, ils occupent les lieux et, cerise sur le gâteau, j’ai pu voir les coffres. C’est des tiroirs encastrés avec fermeture à combinaison. Les coffres ont l’air solides, mais ce que je peux te dire, c’est que le mur autour lui, ne l’est pas, du simple parpaing pour l’un et de la brique pour l’autre.
– Ça me paraît du gâteau, pourquoi tu le fais pas toi ?
– Ce n’est pas ma spécialité, je n’y connais rien dans la cambriole, mais si tu veux je t’accompagne.
– Je vais y réfléchir, apporte-moi le plan demain matin, ici à l’ouverture et on en discutera avec Gary. Allez skâl… ah non ! salute.
Je me casse, tchao, Gary. Au fait tu ouvres à quelle heure le matin ? – 7 heures !
– Je serai là.
– Salut, Gary, tu me sers un café, t’as des croissants. Merci. – À José, t’es là… dit Gary, ont peu aller dans la cuisine pour discuter.
– Alors José tu as ce plan ?
– Si… si, c’est sour. le voilà.
Le plan est étalé sur la table, 
– Tou vois, jouste là, j’ai fait oun croix. Lou coffe.
– Gary ? T’en penses quoi ? 
– Rien pour le moment, faut voir.
– Je garde le plan, je vais l’étudier et aller faire un peu de repérage sur place. En attendant motus, tu n’en parles à personne. Laissez-moi 4 à 5 jours. José, si tu veux me contacter, tu laisses un message à Gary, je passe chaque jour dans son troquet. 
– Tu fermes le dimanche Gary ? 
– Oui bien sûr.
– Alors on se retrouve ici, dimanche à midi, tu nous fais une bouffe  ?
– D’accord, entrez par l’allée, et frappez à la première porte de droite.
Je passe les jours suivants à étudier minutieusement le plan et en repérage sur place de jour comme de nuit pour définir une stratégie d’attaque sans trop de risques. Je suis au point, je vais le faire, mais seul.

Dimanche.
Bar à Tintin, midi. Réunion au sommet. Gary, José, Blaise.
– Gary ? Si nécessaire, je te fournirai un alibi.
– José ? (je vous le fais sans accent portougais) J’ai quelque chose d’important à vous annoncer, ma boîte « Net et Clair « a été mandatée pour effectuer le nettoyage de la propriété, après la fête dès 11heures du matin… et vous savez pourquoi, le propriétaire donne une réception samedi pour l’inauguration de son palais. Avec orchestre, buffet, champagne à gogo et un feu d’artifice pour clore la soirée. Il y a près de 300 invités triés sur le tapis. T’en penses quoi Blaise ? 
– J’en pense que ça fout toute ma stratégie par terre. Je dois réfléchir à cette nouvelle donne. José… tu sais si un service de sécurité est prévu et avec combien de gardes ? 
– Non, j’en sais absolument rien. Mais je présume que oui.
– Y fait quoi ce grand ponte, au fait ?
– Il est patron d’une compagnie d’aviation, mais je n’en suis pas certain.
– Là je crois que cela devient un peu gros pour nous… non ?
– En attendant, tu nous la fais cette bouffe Gary, j’ai les crocs ! Ça nous donnera peut-être des idées. D’ailleurs, je ne sens rien, pas de bon fumet habituel, t’as pas oublié au moins ?
– Non… bien sûr que non. T’inquiète pas, d’abord tu nous débouches une boutanche de Beaujolpif, tiens c’est un Moulin à Vent 1947 une bonne année, tu nous sers un verre et j’arrive avec la suite.
Gary revient avec 3 assiettes sur un plateau.
– Voilà le travail… tartare de 300 gr. avec œufs et Cognac. 
Houaaa… bonne idée, merci Gary, bon appétit et à la nôtre.
Y va comment ce vin ? Clac… cloupp… du petit Jésus en culotte de velours.
– Passe-moi les toasts, merci. T’as du beurre ?
– José, essaie de te renseigner sur cette soirée, mais discrètement.
– Gary, je crois que tu as des potes qui bossent dans la sécurité, tu peux voir s’il y en a qui seraient au courant de quelque chose au sujet de notre affaire.
– Ah il est fameux ton Tartare, il arrache, ça va nous faire bander, allez sers nous encore un verre, merci, salud José, santé Gary. On se revoit mardi, faut se grouiller maintenant, sinon vaut mieux laisser tomber.

Mardi.
– Salut, Gary, je vais dans ton arrière-boutique, José est là ?
– Non pas encore.
– Tu as le temps de venir un moment, sers-moi une bière en même temps. Alors t’as des nouvelles sur la surveillance de notre baraque à tunes.
– J’y viens. Tiens ta bière… Oui du cousu main. J’ai un des gars qui bosse justement chez « Sécuritron ». La boîte qui va s’occuper de la sécurité à la bamboula de la soirée. Il n’y sera pas, mais il m’a donné quelques tuyaux.
Le service sera assuré par deux équipes de 16.00 à 08.00 le lendemain. La rotation des équipes est prévue à minuit.
1° Deux mecs en civil pour vérifier les invitations au portail d’entrée.
2° Deux gardes en civil dans les salons du rez-de-chaussée.
3° Deux gardes en tenue à l’extérieur dans le jardin.
Et une information importante, le premier étage sera fermé au public et l’escalier d’accès sera gardé par un des préposés à la surveillance du grand salon.
C’est tout ce que j’ai pu apprendre.
– Tiens voilà José, salut, comment tu vas ?
– Ye ve bene.
– Alors des nouvelles fraîches ?
– Non pas grand-chose, nous allons installer dans l’après-midi des corbeilles en osier décorées avec des fleurs qui serviront de poubelles.
– Et le lendemain, à quelle heure exactement vous devez commencer le grand nettoyage ?
– Pas avant 11 heures, il ne doit plus y avoir aucun invité, même bourré dans un coin du jardin.
– Ben voilà, c’est parfait. Je sais tout ce qu’il me faut savoir. Je vous remercie, dorénavant nous nous verrons plus. Je me débrouille seul. Ne vous inquiétez pas, quoi qu’il arrive je ne vous ai jamais rencontrés. Quand l’opération sera terminée, je téléphonerai à Gary pour fixer un rendez-vous.
Par sécurité je ne vous donne pas de détails sur mon plan.

Bouquet final.


Minuit… habillé de sombre, je me planque derrière une voiture près du portail d’entrée, j’attends la relève de la première équipe des gardes.
Ça y est, un fourgon arrive, stop devant l’entrée, 4 hommes en descendent et discutent en attendant l’arrivée de l’autre équipe.
À l’intérieur de la propriété, tout le rez-de-chaussée est illuminé, les portes grandes ouvertes, le long des allées, des torchères éclairent d’une lumière blafarde les jardins. Il y a du monde partout, et un brouhaha intense s’élève de la réception.
Ah… les voilà qui se pointent, comme je le supposais, les 8 bonshommes échangent des propos en se marrant, l’un d’eux sort de son blouson un flacon de champ, probablement subtilisé sur une des tables, qu’ils boivent à la régalade chacun leur tour.
C’est le moment… je longe la barrière, la grille d’entrée dont un des battants est grand ouvert et plongé dans le noir, je me faufile en loucedé, entre dans la propriété en prenant soin de rester dans les zones d’ombre. Je contourne le bâtiment pour me rendre à l’arrière où se trouve un grand balcon donnant d’après le plan directement accès à la chambre du propriétaire des lieux. J’ai prévu une échelle de corde utilisée en alpinisme, mais comment l’accrocher à la barrière en toute sécurité ? Je renonce rapidement à cette solution, je laisse l’échelle dans le massif de fleurs pour donner le change et faire croire à une complicité de l’intérieur.
Loucedé : Mot verlanisé selon le système de l'argot des bouchers " le loucherbem « . Loucherbem : (loucherbem = boucher). Ceux-ci utilisent cette technique pour ne pas être compris des clients. Le largonji (jargon) des loucherbems consiste à remplacer la première consonne par un "l", à passer cette première consonne en fin de mot, puis à ajouter un suffixe (oque, our, em...) : fou devient loufoque, qui par apocope devient louf. - en loucedé (en douce).

 Le mur dans l’angle du balcon est garni d’aspérités décoratives, un véritable escalier pour un monte-en-l’air varappeur. Hop… hop… en trois minutes je suis sur le balcon, les portes-fenêtres sont grandes ouvertes… merci monsieur. J’aime pas casser le matériel.
Je pénètre tranquillement dans ces espaces privés. Traverse la pièce en marchant sur d’épais tapis, le reflet des lumières extérieures éclaire suffisamment la place pour éviter de faire tomber une des nombreuses pièces d’art posées sur des socles en marbre qui décorent la chambre.
Le plan des lieux est parfaitement gravé dans ma tête, un petit couloir sans fenêtre relie la chambre de monsieur à celle de madame…. Bref, l’important, c’est que les  coffres se trouvent justement dans ce couloir, à l’abri des regards

          «la Naissance du Monde».






Voilà la porte…rendue totalement invisible par un cadre en trompe-l’œil avec une dame étendue nue sur un lit. Depuis, j’ai appris que c’était une représentation d’un tableau du peintre Courbet.




Le peintre Courbet n'a cessé de revisiter le nu féminin, parfois dans une veine franchement libertine Le. Mais avec L'Origine du monde, il s'autorise une audace et une franchise qui donnent au tableau son pouvoir de fascination.

Tiens… tiens le monsieur est un petit coquin. J’aimerais bien savoir ce qui se trouve sur la porte de la dame ?
Allons… soyons sérieux et mettons-nous au boulot. 
Ah oui, je dois mettre des gants, j’allais oublier.
J’ouvre la porte mystérieuse et pénètre dans l’antichambre, merde ! mais où se trouve l’interrupteur. Tan pis laissons la porte ouverte. Je la cale avec une savate qui traîne sur le tapis. Les deux coffres sont là… fixés dans la paroi, l’un à côté de l’autre. Je ne sais pas ouvrir les coffres, comme prévu il va falloir casser la paroi.




Mais avant de me mettre au boulot, je ne résiste pas à jeter un coup d’œil dans l’autre chambre contiguë, celle de madame. Je ne suis pas déçu, là également contre la porte extérieure, une reproduction érotique d’une fresque découverte à Pompéi.




 
Lors des fouilles de Pompei on découvrit plusieurs lupanars comportant des fresques érotiques ainsi que plusieurs de celles-ci dans la "maison du centenaire" ce qui impliquait, pour les Romains, qu'une vie sexuelle bien réussie était en mesure de prolonger la vie.
Donc de vieillir plus jeune.




Décidément nos hôtes sont des gens cultivés et pleins d’humour. J’en aurais presque des regrets de les dépouiller.
Un dernier regard dans la chambre, je suis tenté de visiter les meubles, commode, table de nuit, etc. Mais finalement non, restons concentrés sur le plan initial - décoffrer les coffres.
Je sors de mon sac à dos fétiche, une masse à manche court, un ciseau à pierre et j’attaque immédiatement le mur autour d’un des coffres.
Pan… pan… pan, ça cogne et ça fait du bruit, trop de bruit. Je retourne dans la chambre, ferme la fenêtre qui donne sur le balcon, et referme également la porte du couloir. Plongé dans la nuit, je sors une petite lampe de poche frontale, ce qui est suffisant pour éclairer le chantier.
Pan… pan… pan, le mur s’effrite rapidement, c’est du beurre, de la brique et du plâtre. Il ne ma faut pas plus d’un 1/4 heure pour dégager le premier coffre, le second coffre branle sérieusement, ce n’était pas dans mes intentions, mais puisqu’il s’offre à moi je le secoue, 2 ou 3 coups de masse et le voilà.
J’enfile les 2 coffres dans le sac de montagne, heureusement assez grand pour les contenir, mais pour le poids, c’est pas gagné. Je le charge avec difficulté sur mon dos, l’assure bien avec la ceinture ventrale, retraverse la pièce, ouvre la fenêtre… Prend un grand bol d’air, et…
maintenant, va falloir improviser, je n’ai rien prévu pour la retraite, tout dépend des circonstances du moment. Je m’assieds contre le mur en attendant un signal, rien ne presse, j’ai toute la nuit, j’espère seulement que la dame n’aura pas envie de changer de collier…
Une demi-heure se passe, quand enfin la circonstance favorable se présente.
Le feu d’artifice. Bien qu’il illumine tout le quartier, il fait également beaucoup de bruit et autre avantage, tous les invités de la fiesta regardent en l’air.
C’est le moment, je me lève, balance mon sac dans les massifs de fleurs - je n’ai pas prévu de corde pour le descendre - j’enjambe la barrière et redescend par le même chemin qu’à la montée, c’est plus périlleux, mais finalement j’atterris à côté de mon précieux chargement. 
J’examine les alentours, personne, je m’avance jusqu’à l’angle de la maison, et jette un coup d’œil, pour voir que le portail est bien gardé, impossible de tenter une sortie de ce côté-là.
Attendons la fin du feu d’artifice, pour que la nuit s’installe à nouveau. J’ai juste quelques minutes avant que la foule ne se disperse dans toute la propriété.
Voilà le bouquet final, merde ! on y voit comme en plein jour.
Peu à peu la nuit reprend ses droits, après la lumière les ténèbres.
Je saisis le sac - qui doit faire dans les 50 kilos - et cours en direction du fond du parc. J’arrive près de la clôture qui mesure bien dans les deux mètres de haut. Évidemment je n’ai pas de cisaille pour découper ce foutu grillage. Je parcours quelques mètres à droite et à gauche, impossible de passer dessous, c’est hermétique, pas moyen de traverser.
Une seule solution… je jette le sac de l’autre côté, pas assez fort, il me retombe presque sur la tête dans un bruit de ferraille. Eh… il fait nuit !
Il faut faire fissa, la chasse peut s’ouvrir d’un moment à l’autre.
Je tente à nouveau la discipline du lancer du poids, cette fois le sac passe l’obstacle. Il ne me reste plus qu’à suivre le même chemin, ce qui ne s’avère pas si facile, finalement me voilà de l’autre côté… Ouf, le plus dur est fait. Enfin je l’espère, car maintenant je me trouve dans la propriété limitrophe, je sais qu’il y a une voie sans issue sur la gauche qui descend jusqu’à la nationale, mais avant il faut sortir du jardin des voisins. Je longe la barrière et j’arrive à une simple haie de Thuyas, je plonge dedans avec mon ballot sur le dos et me retrouve sur la route. 
Ma bagnole est garée sur un parking à Bellevue, il faut impérativement que je le rejoigne dans les plus brefs délais.
Je cours, je suis essoufflé, mes jambes flageolent et le sac est diablement lourd, heureusement ça descend.
Vite… vite, je dois arriver rapidement à Genève avant l’alerte générale, qui va certainement provoquer des barrages policiers sur les routes de la région.
Ma voiture est là, les clés ! où est passé mon trousseau ? Ah… le voilà, j’ai eu la trouille de l’avoir perdu sur la place.
Démarrons, doucement pas d’excès de vitesse. Il est 2 heures du mat, lorsque j’arrive chez moi. Je me déshabille, grosse déchirure au pantalon et un bleu sur la cuisse. Je vais prendre une douche, chaud-froid et me glisse à poil dans les draps. 
Réveillé à 10 heures, je téléphone à Gary.
– Gary… c’est moi, tout est OK. T’as des nouvelles ?
– Non, rien pour le moment, il faut attendre l’édition de la Tribune de la mi-journée. Je viens tout à l’heure. A plus.
Le sac est là, par terre où je l’ai laissé cette nuit. Il me nargue, je l’ouvre et le retourne sur le tapis, les deux boîtes métalliques et leurs crochets de fixation tombent avec un bruit sourd. J’en saisis une et la secoue, juste un bruit de papier, c’est bon signe, l’autre laisse entendre des cliquetis comme un hochet de bébé qu’on agite. Rien  à faire pour les ouvrir il faudra patienter.

*******************

– Salut les potes, salut Gary, sers-moi un café serré avec une goutte de gnôle. – Tu vas bien, t’as bien dormi ?
– Moi aussi, j’ai passé une très bonne soirée. Approche… j’ai deux boîtes qu’il faudrait ouvrir, tu n’aurais pas un ouvre-boîte.
– Oui, mais il est dans le garage de ton père. 
– Bon… je vais aller voir quand la place sera libre, j’ai la clé. Je reviens pour midi, fais-moi une bouffe.
Midi.
– Ah… tu as préparé ton couscous maison, super, j’adore. Au sujet du garage, c’est pour demain matin, nous serons tranquilles, avertis José, r. d. v. à 10 heures.
– Je vais au tabac du coin, voir si la Tribune est sortie. Je reviens. 
– Gary : viens voir, là, en page deux, ils parlent de ton exploit.
« Astucieux cambriolage par une équipe de monte-en-l’air, dans une propriété de Cologny, à l’occasion d’une garden-party. Plusieurs coffres ont été ouverts dans une villa appartenant à un riche résident étranger, le montant dérobé n’est pas encore connu. La police enquête, elle suivrait actuellement une piste. Plus d’information sdans nos prochaines éditions. »
– C’est con, ils ne nous disent pas ce qu’il y a dans les coffres. J’enrage de ne pas les avoir encore ouverts.
Dimanche 10 heures, Gary, José et moi sommes devant les Etablissements Tobias Le Wenk. J’ouvre la porte du garage. Nous nous dirigeons vers la partie atelier que Gary connaît bien pour y avoir travaillé un certain temps.
Tout l’outillage nécessaire se trouve là. En 15 minutes Gary découpe à la perceuse et à la scie diamant, la serrure du premier coffre.
– Vous êtes prêt, on l’ouvre ?  
– Allez… merde grouille.
– Et voilà le travail. 
Je plonge ma main à l’intérieur et en retire une poignée de document en anglais.
– C’est tout ? 
– Non, il y a encore quelque chose. 
Voilà, je tiens dans ma main une grosse liasse de dollars.
– Ah quand même.
– On fera les comptes après, ouvre l’autre. 
Bzzzzz… bzzzz. Perceuse et scie rentrent en action, la serrure rend l’âme rapidement. Je le retourne et le secoue. Tombent sur l’établi une cassette de cuir rouge pleine de bijoux et une liasse de billets suisse de 1000 fr.
– comptons le magot. 25.000 $ - 20.000 FRS. - + des actions au porteur pour un montant de 1 million et des cailloux d’une valeur à vue de nez de 100.000 balles, mais faudra encore les fourguer.
– C’est pas terrible, mais c’est mieux que rien. Pour les bijoux, surtout pas de fourgue, trop dangereux, j’ai ma petite idée. Voyons les papelards, voilà ce que je cherche, des polices d’assurance de la Lloyd, R.C - Vol - Incendie, etc. Parfait, nous allons conclure un marché avec l’assurance. Merci madame, elle nous facilite la tâche, les factures des bijoutiers pour d’achat de ces babioles. 
– Dedieu…dedieu ! vous voyez, il y en a au bas mot pour 500.000 fr. Mais il faudra calculer avec le change, certaines sont en livre sterling.
– Partageons-nous déjà le pèze. Tiens, 10.000 fr. pour toi José et 10.000 fr. pour toi Gary. Moi, j’irai changer les dollars en France, dans quelques jours.
– Les actions, trop dangereuses, difficiles à négocier, ils feront certainement opposition. Renvoyons-les à son propriétaire avec les papiers qui nous sont inutiles, vous en pensez quoi ? 
– Oui d’accord.
– Je prends les bijoux et les dollars, je vous donnerai des nouvelles dès que les transactions seront terminées. José, encore une chose, tu te charges de faire disparaitre les coffres, tu les brûles avant pour les empreintes, on ne sait jamais, et tu les balances discrètement dans une décharge ou dans le Rhône, fais-toi pas repérer.
– Gary, José… merci pour votre collaboration, on se voit dans quelques jours pour fêter ça. En attendant, chacun reprend, son boulot. Et ne faites pas de vagues.
– Tchao les mecs.

Suite de l’opération Arsène Lupin.
Toucher une prime de l’assurance pour récupérer les bijoux ne s’avère pas trop compliqué, le plus risqué c’est l’échange, aucune transaction n’est sûre à 100 %. Les assurances possèdent leur propre investigateur, souvent très perspicace et patient. 
Je commence par glisser dans la boîte aux lettres de la Lloyd de Zurich une bague faisant partie des bijoux volés avec une copie de la police d’assurance et une photo du lot de bijoux.
Dans la demi-heure qui suit, j’appelle la Lloyd depuis une cabine publique et demande à parler avec un des avocats accrédités. 
La discussion se déroule en franglais.
– Oui, ici Me Zurbriggen.
– Bonjour maître. J’ai glissé dans la boîte aux lettres de votre Cie. une enveloppe, je vous laisse le soin de la récupérer immédiatement. Je vous rappelle dans la journée.
2 heures plus tard, je rappelle depuis la gare.
– Allo… je voudrais parler à Me Zurbriggen.
– Me Zurbriggen ?  
– Oui, qui êtes-vous ?
– Vous avez ouvert l’enveloppe, alors vous en pensez quoi ? 
– Alors quoi ? Je ne discute pas avec un inconnu.
– Je veux 20 % de la valeur assurée qui est, si je ne me trompe pas d’un demi-million et vous récupérez en totalité le lot de bijoux assurés par votre compagnie.
Je vous rappelle dans la journée, au revoir.
Je prends le train et descends à Bienne où j’appelle depuis la cabine publique de la gare.
– Allo… pourrais-je parler à Me Zurbriggen.
– Rebonjour Me… alors, d’accord ? Oui ou non.
– Ma compagnie propose 50.000 fr. soit 10 % de la valeur des articles assurés.
– Non, pas d’accord, je veux 75.000 fr. sinon vous ne reverrez plus ces bijoux. Je vous rappelle une dernière fois.
Je remonte dans le train direction Berne.
Nouvel appel.
– Me Zurbriggen, ?
– OK. D’accord pour 75.000 fr.
– Très bien… je reprendrai contact pour l’échange. Bonsoir.
Ouf… c’est fait, mais le plus difficile reste à faire, préparer l’échange. Je n’ai encore aucune idée arrêtée. Je vais y réfléchir.
C’est bien beau tout ça, mais comment procéder pour réceptionner l’argent de l’assurance ? Je sais pertinemment que tant qu’ils n’ont pas les bijoux, ils ne tenteront rien, mais dès qu’ils seront en leur possession, ils vont lâcher les chiens.
Aucune procédure n’est infaillible, j’ai beau me creuser le ciboulot, que dal ! Nibe… Rien.
En attendant, je vais faire quelques voyages en France voisine pour changer les dollars. Je m’habille en touriste américain, pantalon multicolore, veste trop grande en lin gris, lunette Ray Ban sur le nez et chewing-gum en bouche.
Je débute avec 5000 $ au Crédit Agricole d’Annecy. Mon english et un mâchouillage de chewing-gum intense suffisent à donner le change !!
– Swiss monney please.
– Quelles coupures ?
– What ?
– What bank notes.
– 100 - 500 - 1000 - please.
– Yes sir. Voilà, Tsiiii… tsiii… 12.345-CHF.
– Thank you miss.
– Hop... In the pocket. 
Je reviens en Suisse par le col du Mont de Sion et la douane de Perly. Aucun problème. De toute manière je ne pense pas que les polices suisse et française communiquent beaucoup entre elles.
Battons le fer à chaud. Demain j’irai à Evian en bateau de la CGN rendre visite à une autre banque, et changer mes dollars en francs français nouveaux.
Je ferai ainsi encore 3 voyages – Lyon et Dijon en voiture et Constance en Allemagne en train. À la finale je me retrouve avec 55.000 frs.

Réunion au Bar-a-tin. 
– Salut, les gars, on passe dans la cuisine, j’ai un cadeau pour vous.
– Tenez vos enveloppes avec vos parts. 15.000- pour toi Gary. 15.000- à José… tiens. Reste 25.000.- que j’ai gardé pour moi.
– Vous êtes d’accord, chacun a touché ses 25.000 balles. Pour le reste, je suis en tractation avec l’assurance, ils vont payer 75.000 fr. pour récupérer le lot de bijoux assurés.
– Le seul problème, je n’ai pas encore trouvé la bonne méthode pour l’échange, c’est la partie la plus délicate, je ne tiens pas à me faire choper.
Je vous avertis, s’il y a le moindre souci, je balance le magot dans le Rhône. C’est toujours mieux que de finir en tôle. Vous êtes d’accord ?
– Je pourrais aller les fourguer au Portugal.
– José, tu connais un fourgue qui en croque pas aux flics ? Non, trop risqué.
– Gary, t’en penses quoi toi ? Impossible de les fourguer, ils sont répertoriés et photographiés dans tous les commissariats et les douanes de la République et peut-être à l’international également. Rien à faire, si ça ne marche pas avec l’assurance, on laisse tomber.
– OK, on est tous d’accord.
– En attendant, on pourrait se payer une fiesta un de ces soirs, non… 
– Oui, mais pas dans la région. Je connais un coin super, à Pérouges sur la route de Lyon. C’est une cité médiévale, c’est là qu’ils tournent les films historiques genre       « Les trois Mousquetaires » . Il y a un restaurant à l’ancienne, spécialisé dans les cuissons à la broche au feu de bois. Je téléphone pour réserver une table pour demain soir, et commander une côte de bœuf du Charolais. Je passe vous prendre à 19 heures. C’est à 120 kilomètres.
Hostellerie de Pérouges.
Ah… mes amis, quelle soirée - cuisses de grenouille - côtes de bœuf - gratin dauphinois - un “colonel” comme dessert (glace citron et vodka). Le tout arrosé au Champagne rosé Gevrey-Chambertin 1940 et quelques autres bouteilles poussiéreuses. Impossible de rentrer en voiture. Le patron et sa femme doivent nous aider à monter les escaliers pour rejoindre nos chambres. Le réveil vers 11 heures s’avère laborieux. 
Café noir sur le zinc - distribution de généreux pourboires au personnel.
– Salut, les gars, merci patron, nous reviendrons. 
Rejoindre la voiture sur le parking à l’extérieur de la muraille d’enceinte de la cité, trouver la clé et la serrure… merde, j’ai un de ces mal de tronche - démarrage et retour à Genève.
C’est pas aujourd’hui que je vais trouver la solution avec la Lloyd Assurance.
Toute la semaine je travaille avec mon père aux Etablissements Tobias Le Wenk. Bien qu’il ne m’ait pas vu souvent ces derniers temps, il ne me pose pas de question sur mes absences.
– T’as l’air fatigué Blaise.Ça va ? Tu devrais dormir la nuit !
Comment récupérer le fric de l’assurance, cela devient une obsession, et je ne trouve pas la solution.
Finalement, je décide d’agir.
– Allo… M. Zurbriggen. Préparez la somme convenue en petites coupures pour demain matin, mettez-la dans un sac de voyage Swissair de couleur rouge. Rendez-vous personnellement à l’hôtel du Lac à Nyon habillé en touriste. Tenez-vous sur la terrasse face au lac et attendez mon appel dans la matinée. Je vous communiquerai l’heure et l’endroit exact de la remise de l’argent. Pas d’embrouille, il n’y aura pas de seconde tentative. Vous avez bien compris ? 
– Oui… oui je serai là avec l’argent.
– Si tout se passe bien, je vous enverrai les bijoux en recommandé par la poste dans les 24 heures.
Cette fois la machine est lancée. 
Je me rends au bistrot de Gary pour lui exposer mon plan. 
– Salut Gary, contacte José qu’il vienne ici le plus vite possible. J’ai besoin de lui. En attendant, sers-moi une Suze avec un zeste de citron… À notre santé et merde.
Un peu plus tard, José se pointe. Je leur explique le topo à tous les deux, en partie...
– José, demain matin, tu prends ma voiture et tu vas au port de Gland pour 10.30 heures - Pas avant et pas après - tu trouveras une cabine téléphonique publique. À exactement 11 heures, tu appelles ce numéro, c’est le téléphone de l’hôtel du Lac a Nyon. Tu prends ton meilleur accent portugais, juste pour faire croire que c’est pour camoufler ta véritable voix. Tu demandes à parler à M. Zurbriggen qui se trouve sur la terrasse.
Maintenant, fais bien attention : tu lui dis exactement ceci, toujours en portougaiche.
« Allez immédiatement au bout du débarcadère de la CGN qui se trouve en face de vous, et attendez. »
Rien d’autre, et tu coupes la communication. T’as bien compris, si tu te trompes ou si tu n’es pas à l’heure, c’est foutu, définitivement foutu.
Voilà comment je vois la suite.
– Je reprends mon habillement de touriste américain qui me va si bien. Je loue pour la matinée un bateau à moteur rapide chez Locabat aux Pâquis, paye en cash et prends le large tranquille. À l’heure H, j’arrive à Nyon avec le canot à moteur loué. Dès que j’ai repéré le bonhomme au bout du débarcadère, je mets les gaz, m’approche du ponton et je lui fais signe de balancer le sac Swissair rouge dans le bateau. Je remets les gaz à fond, en longeant la côte en direction du port de Gland. Je pense y arriver en 5 minutes, je rentre dans le port et m’amarre à une place libre. 
– José, tu seras là sur le quai, dans la voiture. Ne te fais pas trop remarquer.
Pour le reste on improvisera, suivant les circonstances. C’est tout.
Comme vous voyez, ce n’est pas compliqué, juste un bon timing et un peu de chance. Je ne pense pas qu’ils tenteront de nous intercepter tant que les bijoux ne seront pas en leur possession. Si jamais pour une raison ou une autre, ça ne fonctionne pas. Je rentre aux Pâquis pour rendre le bateau, comme si de rien n’était, ni vu ni connu.
– Gary, je te téléphonerai pour te tenir au courant des événements. Je te dirai juste - c’est bon, tu peux y aller - à midi tu téléphones à Locabat, et tu leur dis que leur bateau est en panne dans le port de Gland. Autrement ils vont le déclarer volé.
– Des questions, José ? 
– Non. Pas de problème, j’assumerai, ne te fais pas de souci.
– Gary… mets-nous 3 coupes de champ... et merde.

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Jour J - Heure H.
Je ne vais pas vous refaire dans le détail l’opération finale 
"Arsène Lupin" . Vous la connaissez, je vous ai presque tout dévoilé.
La transaction se déroule exactement comme prévu.
À 11 heures j’arrive doucement au pied du débarcadère, un homme s’y trouve debout à l’extrémité.
– Me Zurbriggen ?
– Oui, c’est bien moi.
– Lancez le sac dans le bateau, visez bien.
Le sac atterrit correctement dans le fond du canot.
– Merci Me Zurbriggen.
Je mets immédiatement les gaz en direction de Lausanne.
Je reprends l’histoire où nous en étions restés, sur le quai du port de Gland.
José est là, au volant de ma Studebaker bordeaux aux chromes rutilants.
Oui… j’aurais dû prendre une voiture moins voyante, mais je connais bien celle-là avec son puissant overdrive qui te propulse à 150 km/h en 10 secs.
– Salut, pousse-toi, laisse-moi conduire. Tiens le sac, ouvre-le je n’ai pas eu le temps de vérifier.
Ziiippp...dedieu...dedieu ! Il est plein a raz bord de billets - Youpiiie ! ont a réussi. Je sais pas si le compte y est, nous les compterons plus tard.
– Allons-y. 
Je démarre lentement et prend la route de Begnins en direction de Saint-Cergue, 1/2 heure plus tard nous somme rendus sans incident. Je traverse la localité et stoppe la voiture sur le parking devant la gare de la Givrine.
– José, tu prends le sac et tu ne t’en sépares sous aucun prétexte, il ne serait pas prudent de le laisser dans la bagnole. On prend ce chemin et nous allons marcher jusqu’à la cabane du Club Alpin. Nous allons y dormir ce soir.
Mais avant, je vais à la gare pour téléphoner à Gary.
– Gary…c’est bon tu peux y aller. Va dans une cabine publique et rappelle-moi, voilà mon N° de téléphone. J’attends…
Dringg...dringg. Gary ?
OK. - Viens nous rejoindre ce soir au restaurant de la gare de la Givrine c’est juste après Saint-Cergue. Je suis avec José, et notre chien « Arsène », nous allons très bien. 
La nuit est tombée, lorsque Gary se pointe dans le resto.
Nous n’osons pas sauter en l’air de satisfaction. On se contente d’une accolade chaleureuse, et commandons une fondue moitié-moitié et un flacon de Mont sur Rolle.
Une fois cette petite bouffe entre amis terminée, nous sortons et nous nous dirigeons vers les voitures. Le coin est désert.
– Gary, tu prends la moitié du magot et tu rentres à Genève. José et moi, nous restons ici, on dort à la cabane du club Alpin. En cas de danger tu nous appelles demain matin au bistrot. La frontière française est à moins de 5 km. On se tire à pied, je connais bien les chemins à travers les alpages jusqu’aux Rousses, là on avisera. Si tu ne téléphones pas, alors à demain chez toi pour faire les comptes. Roule peinard, ne te fait pas contrôler pour excès de vitesse. Tchao Gary.
Rien dormi sur les paillasses de la cabane. Vous connaissez, ça ronfle, ça grogne, il y a même eu un couple de jeunes, jeunes marié ! à côté qui a baisé la moitié de la nuit.
– José, réveille-toi, on se barre. Cap sur Genève, tout est tranquille en apparence, rentrons.
Nous arrivons au Bar-a-Tin vers 10 heures. Gary est assis sur sa chaise à roulette, et semble un peu nerveux.
– Salut Gary, t’inquiète pas, tout baigne ? Tu voudrais pas fermer ton troquet jusqu’à midi, va falloir un moment pour compter tout ce blé sur la table crasseuse de ta cuisine.
– Allons-y… comptons. Faites des piles de mille francs. 
– Fait chaud ici. - 1 x 1000, 2 x 1000, 3 x 1000, 4 x 1000, etc. 2 heures plus tard, 75 piles de billets sont alignées sur la table.
– Le compte est bon. Merci M. Lloyd.
– Allez. Prenez vos 25 mille balles. Pas de réclamation ?
– Messieurs, l’Opération « Arsène Lupin » est terminée. Nous avons chacun encaissé 50.000 fr. C’est pas mal. Merci de votre collaboration.
Restez quand même sur vos gardes, ne parlez pas trop et ne claquez pas ce fric inconsidérément. 
Maintenant, je vais de ce pas expédier le coffret et son contenu par la poste à la Lloyd de Zurich. Les bons comptes font les bons amis.
À une prochaine peut-être… 






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Suite prochain chapitre :

Clic ici : Chap. 8 - Ça sent le roussi.









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