Le long exil militant de Hocine Aït-Ahmed a pris fin à Lausanne.
Pour clore cette terrible tragédie.
Ayant appris aujourd’hui le décès de Monsieur Haït-Ahmed à Lausanne près de chez moi, je me fait un devoir d’inclure cet article de “24 Heures“ en guise de conclusion à mes mémoires.
La maladie a réussi là où près d’un demi-siècle d’exil aura échoué: faire taire Hocine Aït-Ahmed.
Dirigeant de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, opposant intraitable au nouveau régime, le leader kabyle est mort la veille de Noël. Hommage ce mardi matin à Lausanne.
Le groupe des chefs historiques du FLN, devant les locaux de la DST à Alger le 24 octobre 1956. De gauche à droite : Ahmed Ben Bella, Mohammed Boudiaf, Hocine Aït Ahmed, Mustapha Lacheraf et Mohamed Khider.
Dernier chef historique de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, cet infatigable défenseur des droits de l’homme et de la démocratie, dans son pays et dans le monde, est décédé mercredi dernier à Lausanne, où il vivait depuis 1966.
Ironie de l’histoire ou preuve du désarroi d’un pouvoir algérien qui n’a cessé de l’ostraciser, un deuil national de huit jours a été promulgué par le président Bouteflika. Selon les vœux du défunt, des funérailles populaires seront organisées vendredi 1er janvier dans son village natal d’Ath-Ahmed, en Kabylie. Par ailleurs, ce mardi à partir de 11 heures, une cérémonie de recueillement pour ses amis de Suisse aura lieu au Centre funéraire de Montoie, à Lausanne.
«Fils de la Toussaint»
Hocine Aït-Ahmed était le dernier survivant des neuf «fils de la Toussaint», les dirigeants du Front de libération nationale (FLN) qui, le 1er novembre 1954, déclenchèrent la guerre d’indépendance contre la puissance coloniale.
Dans les faits, tout commence en mars 1954 quand Mohamed Boudiaf (dans l’opposition dès 1963, assassiné en 1992 à Alger) crée le Comité révolutionnaire d’union et d’action (CRUA) avec Hocine Aït Ahmed (actuel dirigeant du Front des forces socialistes, FFS), Ahmed Ben Bella (ancien président de l’Algérie entre 1963 et 1965, déposé par
Boumediene, il sera longtemps interné avant de prendre le chemin de l’exil), Krim Belkacem (assassiné en 1970 à Francfort) , Mostefa Ben Boulaïd (mort au maquis en 1956), Larbi Ben M’Hidi (exécuté sans jugement par l’armée française en 1957), Rabah Bitat (plusieurs fois ministre sous Boumediene), Mourad Didouche (mort au maquis en 1955) et Mohamed Khider (assassiné en 1967 à Madrid). A l’époque, le mouvement nationaliste est divisé. Un violent conflit oppose le leader historique Messali Hadj au Comité central de son parti, le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD). Pour les «neufs», l’objectif est de forcer le destin en renvoyant dos-à-dos les partisans de Messali, accusé de culte de la personnalité, et les «centralistes» menés par Hocine Lahouel.
D’abord prévu pour le 15 octobre, le déclenchement de l’insurrection n’a finalement lieu que le 1er novembre et, fête des morts chez les Européens oblige, prendra vite le nom de «Toussaint rouge».
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Aït-Ahmed très tôt entré en politique – il rejoint à 17 ans le Parti du peuple algérien de Messali Hadj –, Aït-Ahmed prône dès 1948 le recours à la lutte armée. Dès lors, sa vie va se confondre avec la guerre pour l’indépendance, terrible conflit non seulement contre les Français, mais aussi entre factions algériennes. Cette guerre sans merci connaît des épisodes dignes des meilleurs romans d’espionnage. C’est ainsi que le 22 octobre 1956, il est arrêté à la suite de l’arraisonnement par les Français de l’avion qui le conduisait au Maroc en compagnie du futur président Ahmed Ben Bella, de Mohamed Boudiaf, Mohamed Khider et Mostefa Lacheraf. Libéré après les accords d’Evian de 1962, il est élu député de la première Assemblée nationale de l’Algérie indépendante. Très vite, il s’oppose à Ben Bella et crée en 1963 le Front des forces socialistes (FFS), qui fera partie de l’Internationale socialiste (IS).
Indépendance d’esprit
Mais l’indépendance d’esprit dont il fait preuve, son opposition au «régime socialo-mystificateur» qu’il accuse ses anciens frères d’armes de vouloir instaurer, provoquent la rupture. Elle sera définitive.
Arrêté en 1964, il est condamné à mort pour «menées contre-révolutionnaires», puis gracié. Le 30 avril 1966, il s’évade et prend le chemin de l’exil, qui le conduit en Suisse. A Lausanne.
Une nouvelle vie commence. Durant près d’un demi-siècle, Hocine Aït-Ahmed va dénoncer les dérives du pouvoir algérien, suivre de très près la marche des choses dans son pays. Malgré la distance. «Il était souvent mieux informé que les Algériens eux-mêmes», témoigne son fils, Jugurtha. Mais le chef politique ne s’intéresse pas qu’à son pays. De son observatoire lausannois ou en voyage de par le monde, il dénonce les atteintes aux droits de l’homme, milite encore et toujours pour la démocratie et le pluralisme.
20 août 1926
Naissance à Ath-Ahmed, en Kabylie.
1er novembre 1954
Déclenchement de la guerre d’indépendance.
5 juillet 1962
Proclamation de l’indépendance de l’Algérie.
Octobre 1964
Arrêté,condamné à mort, puis gracié.
30 avril 1966
Evasion, début d’exil à Lausanne.
Décembre 1989
Premier retour en Algérie. Il y retournera en 1991 et en 1999.
23 décembre 2015
Décès à Lausanne.
(24 heures)
(Créé: 28.12.2015, 21h16)
Gérard Wenker alias littéraire : Blaise Le Wenk.
Terminé le 28 février 2016 - à La Sarraz - CH
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