Je suis sur le quai marchand d’Alger, entrepôt 36. Un homme seul, coiffé d’une chéchia rouge charge des bidons de sulfate de cuivre sur la benne d’un vieux camion Citroën.
Je m’approche de lui.
– Salut… un coup de main !! Il a l’air étonné.
– Je m’appelle Blaise Le Wenk, j’ai été engagé par ton patron.
– Salut, je suis Mouïa le chauffeur.
Je lui donne un coup de main pour charger le camion.
– Tu viens souvent à Alger ?
– Une fois par mois, parfois deux. C’est terminé, allons-y.
Je m’installe sur le siège passager qui est complètement défoncé, immédiatement je dois me cramponner, là où je peux, Mouïa conduit son camion comme un rallyman. Cramponné à son volant — accélérations, coups de frein, coup de volant à gauche, coup de volant à droite, se succèdent dans une danse infernale — et nous sommes encore qu’en ville. J’appréhende la suite.
J’essaie dans un hoquet de lier conversation…
– Combien de kilomètres jusqu’à la ligne d’arrivée ? — je ne pense pas qu’il a compris l’ironie de la phrase.
– 150.
– Et… en combien de temps ?
– 4 à 5 heures.
Heureusement que je n’ai pas mangé ce matin.
– Ta un drôle d’accent, t’es Alsacien ?
– Non, Suisse.
– Non, c’est pas vrai, j’ai été interné en Suisse en 1940 avec ma compagnie de spahis.
– Ah c’est pour ça, que tu parles si bien le français.
– Oui, oui, maintenant je me rappelle, j’étais là avec ma mère, au bord de la route, en juin 40, j’avais 10 ans. J’ai assisté à la reddition d’un régiment de spahis algériens à Genève. Des milliers de cavaliers montés sur de splendides chevaux arabes déposaient leurs armes en d’immenses tas, de chaque côté de la route. Ils avaient l’air terrible avec leur sabre et leur pantalon bouffant. Avant tout ils demandaient à manger pour leurs chevaux, dont certains, au bord de l’épuisement, s’arrêtaient devant nous. Un fermier généreux avait apporté un char de foin. Nous avons distribué des biscuits et du chocolat aux cavaliers.
– Tu étais peut-être l’un d’entre eux ? Quelle coïncidence extraordinaire.
Jusqu’à Blida la route est carrossable, mais après quelques kilomètres le parcours bifurque plein Sud pour s’engager dans les gorges abruptes de la Chiffa. Là notre pilote démontre tout son talent, à fond en 3ème, le moteur hurle comme une formule 1 au 24 heures du Mans. Je suis vert… le moteur lui doit être rouge.
Mouïa me jette un coup d’œil…
– T’inquiètes, je la ferais les yeux fermés.
À non pas ça, c’est qu’il en serait capable le bougre.
Dommage, le paysage m’a échappé, il doit être très beau !!
1 heure plus tard nous arrivons à Médéa, riante petite ville installée dans une vallée du moyen Atlas à près de 1000 m. d’altitude. Je me croirais presque en Suisse, les toits sont recouverts d’une fine couche de neige. J’avais presque oublié que nous étions en hiver.
Mouïa stoppe le camion fumant devant une échoppe, à l’entrée de la ville.
– Je vais manger un morceau, tu viens avec moi ?
– Oui, mais avant, il faut que je marche un peu, question de remettre mon estomac en place !
Il fait froid, je ne l’avais pas remarqué durant la course, d’autant que notre véhicule n’a pas de fenêtre latérale. Je sautille pour me dégourdir et me réchauffer, après 5 minutes d’exercice je rentre dans le troquet.
Mouïa est attablé devant un énorme plat de couscous fumant, il me fait signe de m’asseoir à sa table.
– Sers-toi, il y en a pour deux.
Je suis un peu emprunté, il n’y a aucun service de table et la technique des 4 doigts ne m’est pas trop familière. Je me lève pour aller me laver les mains, histoire de gagner du temps, et finalement je me lance à l’assaut du plat.
Ah mes amis… quel couscous, je n’en ai encore jamais, ni vu ni goûté un pareil.
– Dis-moi… Mouïa c’est quoi ce couscous ?
– Du couscous de montagne — la viande c’est de la chasse — lapin, perdrix, mais pas du sanglier — le couscous, du blé dur rouler à la main, pois chiches et légumes poussent derrière la maison ici.
– D’Alger à Orléanville (actuellement Chlef) t’en trouveras pas de meilleur.
Je mange plus que de raison, je crains le pire pour la suite du trajet. Je me renseigne, l’air de rien.
– Mouïa… c’est comment la route maintenant… ?
– Du billard, encore 30 kil. et c’est la plaine du Chélif plate jusqu’à Affreville (actuellement El Khémis).
Après un dernier verre de thé vert à la menthe, sucré…très !! et brûlant-très !! servi avec le cérémonial coutumier habituel, ( 2 mètres de haut sans une goutte à côté) je me lève avec regret, la perspective de la cabine-courant d’air du camion ne m’inspire pas vraiment.
Le reste du voyage pourtant, se passe sans incident, Mouïa réchauffé, l’estomac bien rempli, s’est calmé. Sur les portions droites, je le surveille même du coin de l’œil, sa tête ayant tendance à partir brusquement en avant.
Vers 16 heures, nous traversons Affreville sans nous arrêter, à la sortie nous quittons la route principale pour nous engager sur un chemin de terre en direction de l’Oued Chélif, encore une dizaine de kilomètres et là-bas, au fond de la plaine, j’aperçois des bâtiments en forme de quadrilatère, cela ressemble à un fort de l’Ouest américain, entouré à perte de vue de vignes, et à droite, le long du chemin une orangeraie verdoyante.
Nous voilà au terme du voyage, Mouïa gare le camion au milieu d’une immense cour intérieure bordée d’un côté par des écuries en briques rouges flambantes neuves, où je peux voir plusieurs têtes de chevaux sortir des ouvertures. Au fond d’un hangar, sont alignés comme à la parade… quatre énormes tracteurs à chenilles Caterpillar. Sur ma droite un bâtiment à double toit impressionnant en béton de plus de 20 mètres de haut sans fenêtre, Mouïa à qui je pose la question ? me répond, c’est la nouvelle cave, l’ancienne trop petite a été démolie en 1950. Fermant le dernier côté, une très belle maison de style 18ème avec un porche encadré de deux colonnes supportant un balcon de fer forgé — et ça ? C’est la maison du patron.
À l’arrière un peu plus loin, on distingue au milieu des bougainvilliers plusieurs habitations. C’est vers elle que Mouïa se dirige.
– Viens je vais te présenter au comptable, c’est un français assez sympa…
– Laisse ton sac dans le camion, tu viendras le rechercher plus tard.
Nous nous dirigeons vers le plus grand des pavillons, montons 3 marches…
– Eh… ho… Bubu… y s’appelle Hubert, mais on l’a surnommé Bubu.
Un homme longiligne apparaît sur le pas-de-porte, presque maigre, affublé d’un nez aquilin à la Cyrano au bout duquel repose en équilibre une paire de lunettes cerclée d’or.
– Salut Mouïa, qui y a-t-il ?
– Voilà le nouveau caviste, son nom est Blaise Le Wenk. Le patron a dit que tu t’occupes de son installation. Salut, je me tire, vais décharger le camion.
– Bonjour M. Le Wenk, bienvenue à Raoumah. Suivez-moi, je vais vous montrer votre logement. Il est juste à côté, là le petit pavillon.
Un pavillon ça !! un blockhaus plutôt, un cube en ciment comportant une porte et une fenêtre.
– C’est du solide, à cause des tremblements de terre, fréquents dans la région.
– Voilà votre nouvelle résidence, M. Le Wenk. Le logement des célibataires.
– J’en déduis, d’après la grandeur de votre maison que vous, vous avez une famille.
– Oui, j’habite ici avec ma femme et mes deux enfants.
J’entre, ça ressemble à une cellule de moine. Un lit métallique style caserne, à côté du lit servant de table de nuit, un grand coffre, devant l’unique fenêtre une table et une chaise en bois brut et dans un coin posé sur un guéridon, un magnifique bouquet de feuilles mortes multicolores, dont une bonne partie est répandue parterre.
– Allez, je vous laisse vous installer, reposez-vous, demain nous irons trouver le chef d’exploitation, pour votre travail. Ah… encore une chose, mettez bien vos vêtements dans le coffre, et faites attention il y a des scorpions dans le coin.
C’est vrai, j’avais presque oublié, que j’étais en Afrique.
Cette fois ça y est, j’y suis, je fais le tour de l’unique pièce, m’assois sur le lit pour en tester la souplesse, et n’en tire que quelques couinements de mauvaise augure.
Ah… mon sac de voyage, je l’avais oublié, je me rends dans la cour, plus de camion… je l’aperçois, sous le hangar, ridicule près des énormes Caterpillar — son capot est ouvert, est Mouïa est plongé dans le moteur.
– Salut, je viens récupérer mon sac.
– Là, à l’arrière du camion. Ça va, Bubu t’a montré ta baraque.
– Oui… oui, j’ai plus qu’à m’installer.
Je lance le sac sur mon épaule, traverse l’immense cour silencieuse, passe devant la maison du "maître" puis devant celle de Bubu, salue en passant une jeune femme blonde, assise dans le jardin en train de lire, je lui fais signe — bonjour — je suppose que c’est la femme Hubert.
Séparé de la maison du comptable par un rideau d’arbre, le lieu où désormais je vais vivre. Je vide mon sac sur le lit, et plie soigneusement mes habits dans le coffre. Puis je m’assois et regarde par la fenêtre en pensant à la nouvelle vie qui m’attend ici.
Le ciel flamboyant fait rapidement place à la nuit, j’allume, et m’étends sur le lit, je suis en train de m’assoupir, lorsqu’on frappe à la porte.
– Entrez.
Une jeune berbère d’à peine 12 ans, portant un plateau se profile dans la porte, elle porte une jupe qui traîne presque parterre, on distingue ses pieds nus, zébrés de noir, elle ressemble à une petite gitane.
– Le manger pour vous, de Mme Rose…
Tiens je commençais justement à avoir faim.
– Pose-le sur la table, là… merci, comment t’appelles-tu ?
– Kenza.
J’ouvre la bouche, mais elle a déjà disparu.
Le plateau est recouvert d’un linge immaculé, je le plie en quatre et me mets à table. Au menu ragoût de mouton, polenta, haricots verts et une coupe de fruits ; bananes, orange et dattes. J’ai faim, je dévore le tout, c’est délicieux, je termine avec une banane et pose le restant des fruits sur le rebord de la fenêtre.
Il fait chaud, je sors marcher un peu, dehors il fait nuit noire, les allées et la cour sont éclairées par quelques ampoules, juste suffisantes pour s’y retrouver. Après avoir fait le tour de la cour — je ne m’aventure pas plus loin, de peur de m’égarer, je rentre, me couche et m’endors immédiatement.
Je dors encore profondément, lorsque le mugissement strident d’une sirène me fait dresser sur le lit. J’enfile rapidement un pantalon et sors, l’aube pointe à peine, rien, personne, la sirène s’est arrêtée, le silence s’est à nouveau installé.
- Je ne connais encore rien aux règles de l’exploitation.
- Il faut que je me procure une montre ou un réveil.
- Mais où se trouvent les toilettes et les W.C. ?
- Et pour le petit-déj ?
- Y a-t-il un pilote dans l’avion ?
Je suis complètement déboussolé par le cours des événements.
Attendons que se manifeste une quelconque agitation.
Un long moment se passe, il fait grand jour lorsque j’entends vrombir les puissants moteurs des Caterpillar. Je me précipite, sous le hangar un panache de fumée noire monte en volutes dans le ciel bleu. Je m’approche, l’un après l’autre les tracteurs s’ébranlent, traversent la cour et disparaissent derrière les bâtiments.
Je suis à nouveau seul, je me dirige vers les écuries où les chevaux hennissent en secouant la tête pour manifester leur impatience.
Tout à coup, un homme surgit à mes côtés, il tient une badine.
– T’es le nouveau ?
– Ben… oui. Le Wenk
Je lui tends la main, qu’il fait mine d’ignorer.
– Salut, je suis le chef d’exploitation, le travail commence à 7 heures en cette saison. Il crie un nom, un homme surgit de l’écurie.
– Mon cheval… selle-le et "fissa".
– Tu peux prendre un cheval — tu sais monter au moins ?
– Oui… oui. — J’ai monté 3 ou 4 fois des chevaux de trait !!
Son cheval sellé, il saute dessus d’un bond, le cravache et disparaît au grand galop du côté de l’orangeraie.
– Ti veux un cheval aussi, chef ?
– Oui, mais un docile, un calme !
Ici tous les Européens sont chefs pour les Arabes.
Dis… l’autre chef là, qui vient de partir, il n’a pas l’air commode.
Il ne répond pas, mais hoche la tête négativement.
Il court chercher un autre cheval, lance une selle sur son dos, serre la sangle, et me fait signe de monter. Là je ne peux pas me dégonfler, je me hisse difficilement, prend l’assiette, saisis les rênes et donne un léger coup de talon dans ses flans. Immédiatement il se met au galop et part dans la direction de l’orangeraie. Je ne dirige rien, j’essaie juste de maintenir mon aplomb sans me cramponner à l’encolure. Le cheval file entre deux rangées d’orangers, il a l’air de connaître exactement le parcours, je ne le contrarie pas, j’en serai bien incapable d’ailleurs. En chemin, je vois l’autre cavalier, toujours au grand galop, revenir dans une rangée parallèle. Je fais mine de ne pas le voir, ma monture totalement incontrôlable arrive en bout de ligne, prend le virage et reviens sur ses pas, j’essaie de la ralentir, peine perdue, il continue au grand galop jusqu’à l’écurie, là il décide de s’arrêter, les nasaux écumants, le pelage fumant comme une locomotive.
Ouf, je m’en suis sorti, l’air décontracté je saute du cheval, mais mes jambes tremblantes ne me tiennent plus et je tombe à quatre pattes sur le sol poussiéreux. Le palefrenier qui attendait esquisse un sourire…
– Tout va bien chef ?
J’ai l’air con, mais fais bonne contenance,
– Super cheval, un peu têtu quand même.
Il s’occupe immédiatement du cheval, le bouchonne, lui donne à boire et le rentre dans son box.
Étrange comportement, perdu dans ce bled, sans moyen de communication, je commence à me poser de sérieuses questions — j’aurai su, je serai pas venu —, mais bon pour l’instant, il faut boire le vin avec la lie.
Je décide d’aller aux renseignements auprès de M. Hubert, c’est la seule personne qui ma l’air normale par ici.
Je frappe à sa porte, c’est sa femme Rose qui me répond,
– Bonjour Madame, je voudrai parler avec votre mari.
– Il est dans le local de paye, là au centre de la cour.
Je m’y rends à grands pas, je n’avais pas encore aperçu cet étrange bloc cubique, sans fenêtre — décidément, c’est une manie ici — apparemment il ne comporte qu’une solide porte en fer, à laquelle je frappe à coup de pied.
Un cliquetis de clé, la porte s’entrouvre. Bubu apparaît dans l’entrebâillement.
– Ah… c’est vous !
– Vous avez un moment, il faut que je vous parle.
– Entre.
Je pénètre dans l’antre, il y fait frais et une bonne odeur de café flotte dans l’air.
– Assieds-toi, ici tout le monde se tutoie, à part le patron. Café ?
– Oui avec plaisir, j’ai l’estomac dans les talons, je viens d’accomplir la chevauchée fantastique, heureusement à jeun.
– Ah… t’as eu droit à "Sirocco" !
– Qui ?
– Sirocco… c’est un cheval fou, il ne sait que galoper toujours sur le même trajet. C’est Césario Carvalho le chef d’exploitation, qui l’a dressé à sa façon. On le surnomme César, — c’est un pied noir d’origine espagnole — il a tous les droits ici, il est haï par tous, mais il s’en fout. Fais attention, il est dangereux.
De mieux en mieux !
– Et le patron, au fait je ne sais même pas comment il se nomme ?
– Aloïs de Saint Léon, c’est un noble à l’ancienne, tu apprendras à le connaître, il est spécial, mais gentil, trop gentil, il ne sort jamais de sa demeure et de son laboratoire.
– Ici chacun a son boulot, vit dans son coin sans se fréquenter. Avec toi, nous sommes 8 Européens de la métropole :
Moi, ma femme Rose, et nos deux enfants Aline et Yvon.
Le chef mécanicien, Loric Mériadec un ancien de la marine, il vit avec une femme berbère.
Le patron Aloïs de Saint Léon et Tobias Mercier le pointeur.
Césario Carvalho le chef d’exploitation, un espagnol d’Oran.
Personne ne s’occupe des travaux domestiques, pour ça il y a 3 fatmas et quatre jeunes Berbères qui s’occupent du ménage, de la cuisine et de tout le reste.
Pour l’entretien des bâtiments, l’écurie et le garage, il y a une dizaine d’Algériens musulmans, comme Mouïa, des anciens militaires, la plupart ont participé à la dernière guerre dans les régiments de Spahis.
Voilà, tu connais tout le monde maintenant. De temps en temps le propriétaire Monsieur Charles Cousin vient en hélicoptère chasser avec ses amis, le reste du temps il loge à l’hôtel Eden Roc au Cap d’Antibes.
Il y a bien sûr les ouvriers agricoles 2 à 300 suivant les mois, 1000 pendant les vendanges. Ils habitent dans les collines à 1 heure de marche, c’est pour ça qu’il y a une puissante sirène, pour les avertir 1 heure avant le début du travail.
– Eh bien dis donc, ça rigole pas dans le coin ! Merci pour ces renseignements. Passons aux choses pratiques qui me concernent :
- mon salaire ?
- Où est-ce que je mange ?
- Où sont les douches et les W.C. ?
- Qui va me dire ce que je dois faire ?
- Comment va-t-on en ville ?
- Peut-on téléphoner ?
– le salaire, c’est le même que l’ancien caviste 150.000 AF net.
– Les douches et les toilettes, derrière ton pavillon, à cause des odeurs !
– La petite Berbère Kenza t’apportera chaque repas, et fera le ménage.
– Pour ton travail, faut attendre que le patron revienne, en attendant tu fais ce que tu veux, tu visites, tu te promènes, tu fais du cheval !
– Pour les déplacements il y a ici trois véhicules : le camion Citroën que tu connais et deux tractions avant, celle du patron, et une autre pour les employés, mais celle-là elle est souvent en panne.
– Tu peux téléphoner ici ou chez le patron, c’est les deux seuls téléphones.
Ouf… j’y vois plus clair, si on peut dire ! il est sympa le Bubu. Même s’il m’a débité ces renseignements sans aucune émotion, il veut rester en dehors de la mêlée, je le sens pas trop concerné, faire son boulot de comptable, point.
– Merci. Et ici c’est quoi ?
– Ah ici ! tu vois cette petite ouverture avec ces barreaux, c’est le guichet de paye, quand tu y assisteras, tu comprendras.
– En attendant, je peux téléphoner ?
Il me tend un vieux téléphone noir.
– Tiens, décroche et donne ton numéro à la réceptionniste.
– Allô… je voudrai le 15 30 à Alger. oui merci… allô… allô, bonjour Madame, je pourrais parler à Marie ------------- allô… oui c’est toi, comment vas -tu, oui je suis bien arrivé, tout va bien, je suis bien installé, je t’écrirai plus en détail, encore quelques banalités — je t’embrasse, oui moi aussi.
Je raccroche.
– C’est ta petite amie ?
– Oui ma fiancée, nous sommes venus ensemble depuis Genève. Elle travaille chez un colonel de l’armée de l’air dans la banlieue d’Alger.
J’en reste là des confidences pour le moment, il vaut mieux être prudent, l’atmosphère de cet endroit, je ne sais pas pourquoi est inquiétante.
– Merci pour tout, je te laisse, je vais aller me doucher.
Je me rends directement à mon logement, ouvre la porte, sur la table un plateau recouvert du linge blanc, et la petite Kenza qui balaye le sol, mon lit est fait, impeccable.
– J’ai fini, tu peux déjeuner, monsieur.
Je soulève le linge ; café, pain, beurre et confiture, je m’installe et déguste avec délectation mon premier petit dèj. Sitôt terminé, je vais visiter la douche sur l’arrière de la maison. Un boiler électrique de 10 litres pour chauffer l’eau, un lavabo et une cuvette de W.C. complètent la salle de bain, c’est propre, pas de fenêtre, juste une aération dans le plafond.
Je prends une douche chaude, me frictionne avec un vieux bout de savon qui traîne, l’eau est déjà froide, hum… quel bien-être, je m’essuie énergiquement avec ma chemise, pas de linge… le ventre bien garni, le corps rafraîchi et propre, je me sens ragaillardi. J’attache ma chemise autour de la taille et pousse un sprint jusqu’à la chambre. Pas très pratique, surtout quand il pleut, mais cela ne doit pas arriver souvent par ici. Je m’habille avec des vêtements propres, et sors faire la visite des lieux. Commençons par la cave, puisque c’est moi qui en suit responsable dorénavant.
Dès l’entrée, je suis impressionné — 2 rangées de 20 cuves en béton d’une contenance de 30.000 litres chacune. 1 million 200 mille litres de gros rouge.
J’avance lentement, j’examine chaque cuve, lit le panneau accroché sur la porte :
– Royal Kébir — rouge — 13C °. 28.000 lt.
– Sidi Brahim — rouge - 12,8 C °. 25.000 lt.
– Cépage Carignan — rouge tinto - 10.000 lt. etc. etc.
Un ouvrier se trouve là, il est occupé à nettoyer les plaques d’un filtre, je me dirige vers lui.
– Salut, je suis le nouveau chef caviste, je m’appelle Blaise Le Wenk
– Bonjour Monsieur Blaise
– Bon Blaise ça ira. Et toi comment t’appelles-tu ?
– Fadi Lahoucine, je suis l’aide-caviste.
Fadi est petit, râblé, les cheveux rasés et il sourit en permanence, ce qui le rend d’emblée sympathique. Il parle bien le français, quoiqu’avec un terrible accent arabe. Comme la majorité des ouvriers fixes de l’exploitation, il a servi dans l’armée française durant la dernière guerre, c’est ce qu’on nomme ici un harki.
Fadi semble bien connaître le fonctionnement de la cave, il y travaille depuis 6 ans. Il me sera d’une aide précieuse.
Au fond le la cave, se trouve le laboratoire, bien éclairé par une baie vitrée, il est parfaitement équipé en instruments modernes. Sur un rayon, plusieurs livres récents sur l’œnologie et la vinification. Je les feuillette rapidement, en sélectionne 3 que j’emporte avec moi pour les étudier.
Petit à petit je m’installe dans ma nouvelle vie, je fais connaissance avec l’organisation et le fonctionnement de l’exploitation. L’aspect social, me choque profondément, moi qui viens d’un pays ou il n’existe aucun conflit social, ni problème xénophobe, la manière dont sont traités les " indigènes" ici me révolte.
Mal payés, parfois brutalisés, sans aucune considération humaine, ces travailleurs ressemblent plus à des esclaves modernes qu’à des ouvriers.
Je commence à mieux comprendre les raisons du manifeste FLN du 1er novembre 1954. Malgré les recommandations d’Assad de ne pas me mêler de politique, je ne peux pas m’empêcher de prendre parti pour le petit peuple des indigènes musulmans, à qui appartient cette terre.
Rapidement je m’intéresse à la vie des employés algériens que je côtoie. Je dois être prudent, je vois bien que mon comportement est réprouvé par toute la collectivité des Européens de métropole et encore plus par les pieds noirs.
Chez moi, dans les campagnes, les habitants se réveillent à 6 heures au son des cloches de l’église du village, ici chaque matin le son strident de la sirène mugit à 5 heures pour débuter le travail à 6 h, les travailleurs on une heure de marche depuis leur village et autant pour rentrer.
Aujourd’hui, j’assiste pour la première fois à la répartition des tâches, dans la cour où sont réunis environ 150 ouvriers agricoles (je ne sais pas comment les appeler autrement) le véritable nom arabe est "fellah", mais par la suite le terme "fellahga" à été dévoyé par l’armée française, le fellahga ou fellouze étant un résistant en lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Mais il y a aussi Bico, accompagné de sale ou Sidi accompagné de maudit, ou encore suprême insulte raciste "Bougnoule", bref pas besoin de faire un dessin pour comprendre comment étaient traités ces pauvres ouvriers, sur leur propre terre.
Ils sont là, serrés, immobiles comme à l’armée. "César" le chef d’exploitation monté sur un de ses pur sang arabe, la badine à la main, se prend pour un général exhortant ses troupes. Il désigne une personne dans le groupe avec sa badine — qui est en réalité un nerf de bœuf –.
– Toi… toi… toi… avec Amhed à la taille.
– Toi… non pas toi., lui — réveillez-vous non de Dieu.
– Bakir prend 10 hommes pour le ramassage des sarments.
Chaque groupe se dirige à pied en direction des vignes, un enfant de 10/12 ans les accompagne un bidon de 5 lt. en bandoulière, ce sont les porteurs d’eau qui sont là pour étancher la soif des travailleurs. En été par des chaleurs de plus de 40 C°, ils font des allers retours depuis la ferme, ou depuis le puits le plus proche. Quand on sait que certaines parcelles font jusqu’à 500 hectares soit un carré de 5 km de côté, on mesure la difficulté de leur tâche.
Pour compléter le tableau de l’organisation du travail sur l’exploitation, il faut mentionner un métier tout à fait spécial "le pointeur". C’est une sorte de surveillant du personnel, dont le travail consiste à vérifier que l’identité de chaque travailleur correspond à sa présence sur le lieu de travail.
Pour cela chaque ouvrier possède une carte cartonnée qui sert à établir son salaire. Sur cette carte chaque demi-journée de 5 heures doit être certifiée par un poinçon fait au moyen d’une pince spéciale. Le pointeur se déplace à cheval, d’équipe en équipe deux fois par jour pour percer les cartes à l’emplacement prévu à cet effet.
Cette méthode de contrôle, est, parait-il, justifiée, du fait qu’il est difficile pour nous européens de reconnaître chaque individu par son nom, d’autant que la carte ne comporte pas de photo d’identité.
Ce procédé provoque souvent des conflits au moment de la paye, pour la bonne raison que plusieurs membres d’une même famille utilisent la même carte, mais au moment du payement du salaire tous sont là pour l’encaissement, mais comme un seul peut présenter la carte pour toucher son dû, c’est à lui de distribuer aux autres membres de la famille en fonction de leurs présences respectives sur le lieu de travail, d’où souvent désaccords et réclamations intempestives.
Le temps a passé rapidement, une semaine déjà, je me suis bien familiarisé avec les usages en cours sur la propriété. Le patron est toujours absent, je n’ai pas encore démarré mon véritable travail à la cave, bien que je m’y rende chaque jour.
Aujourd’hui, c’est jour de paye, à 16 heures 150 à 200 hommes se pressent dans la cour, Bubu me fait signe de l’accompagner dans le blockhaus de paye, nous entrons, il referme soigneusement la porte de fer derrière nous. Sur la table des piles de billets de 10 de 100 et de 1000 AF.
– Allons-y pour le cirque ! que la représentation commence…
Il ouvre un guichet de 50 x 50 qui reste protégé par des barreaux, de l’autre côté immédiatement quelqu’un passe sa carte de paye poinçonnée, le calcul est rapide et il est le même pour tous.
6 trous x 2 = 12 trous pour 6 jours de travail. Chaque trou vaut 300 AF soit 3600 AF par semaine.
C’est expéditif, dès la carte posée sur la tablette du guichet, Bubu s’en saisit y jette un rapide coup d’œil, la range dans une boîte et pose 3600 AF. a sa place.
– Suivant… 3600
– Suivant… 3600
– etc. etc.
De temps en temps une carte n’est pas complète, notre comptable maison compte les trous manquants :
– Moins quatre trous — 2400 AF.
Il n’écoute même pas les explications, ou les justifications du salarié.
– Veux pas le savoir — suivant…
Il se tourne vers moi.
– Si je les écoute, j’en ai jusqu’à demain matin.
– Suivant… En 3 heures c’est terminé, les piles de billets ont disparu, Bubu qui était vachement concentré, se détend et sort une bouteille de Cognac de sa serviette en cuir, remplit deux verres à vin.
– Allez, on l’a bien mérité — semble-t-il se dire à lui même —. À notre santé.
Dehors, l’agitation n’est pas finie, des groupes discutent avec véhémence en arabe, Bubu referme le guichet, le silence se fait.
– Je préfère attendre qu’il n’y ait plus personne pour sortir, sinon… !
– La prochaine paye sera plus compliquée, il y a une coopérative qui leur fournit à crédit les aliments de première nécessité, certains ne toucheront rien sur leur paye, la plupart sont endettés de plusieurs mois de salaire.
Je suis révolté, non seulement ils gagnent, si je compte bien, 10 fois moins que moi, mais en plus on leur vend de la marchandise à crédit qu’ils ne pourront jamais payer, ce qui permet d’exercer une pression intolérable sur eux.
*****************
Aujourd’hui, branle-bas de combat, Alois de Saint Léon est de retour. Nous sommes tous convoqués pour 14 heures à nous rendre chez lui pour communication et prendre le café. C’est indiqué sur une note qui se trouve sur le plateau du repas de midi que m’apporte Kenza.
À l’heure dite, je suis devant la porte de sa demeure qui est grande ouverte, je pénètre à l’intérieur et accède directement dans un grand salon meublé de magnifiques meubles directoire en acajou. Partout des objets de valeurs, tableaux, chandeliers, tapis, etc. Je sais apprécier, mon père est antiquaire.
Au centre de la pièce, réuni autour d’une grande table rectangulaire rutilante, le staff européen du domaine.
Sont présents : Mr. Hubert et sa femme Rose, Césario Carvalho, Loric Mériadec sans sa femme ! et Tobias Mercier que je vois pour la première fois, c’est le surveillant-pointeur, avec moi, nous sommes six, assis droit sur nos chaises de style, immobiles de peur d’en briser une.
Une fatma voilée arrive et pose devant chaque convive un plateau d’argent avec dessus une tasse de porcelaine fine, elle est suivie par une jeune Berbère portant la cafetière, qui nous sert l’un après l’autre.
C’est l’instant que choisit le patron, M. Alois de Saint Léon pour faire son entrée. Il est habillé comme un gentleman-farmer anglais, impeccable dans une veste de tweed vert olive, un foulard de soie jaune autour du cou. Il fait rapidement le tour de la table en tendant une main molle à chacun de nous.
– Bonjour, bonjour, bonjour…
Il s’assied, se saisit de sa tasse et boit à petites lampées gourmandes.
Immédiatement toute la table fait de même.
– Je reviens de la métropole, comme vous le savez un vent d’indépendance et de violence souffle sur la région. J’ai rencontré des personnes du gouvernement, qui m’ont rassuré sur l’avenir de notre département, ce mouvement, « le FLN » sera rapidement étouffé dans l’œuf… par l’armée de la République s’il le faut. À part ça, pour le moment chez nous, tout est calme, mais restez quand même prudents et sur vos gardes, on ne sait jamais.
– Aïcha, la bouteille de cognac et des verres.
– Serre-nous… glou… glou… glou — et mets-en pas sur la table !
– Messieurs à notre santé et à notre Algérie.
– Santé patron, à l’Algérie.
– Bien, que chacun retourne à ses activités. M. Le Wenk restez, nous avons à discuter de votre travail. Servez-vous encore un Cognac, je reviens dans un instant.
Incroyable, je n’en crois pas mes oreilles, C’est comme en Russie en octobre 1917, la révolution populaire fait rage dans les rues pendant que les tsaristes dansent dans les salons. Comme toujours le déni politique est la cause de toutes les révolutions sanglantes, j’ai bien peur que cela ne se reproduise en Algérie d’ici peu de temps. J’en suis là dans mes réflexions, quand M. de Saint Léon apparaît en tenue d’intérieur.
– Excusez-moi… Blaise… je crois… appelez-moi Alois.
– Venez, suivez-moi dans la pièce d’à côté, je veux vous montrer mon laboratoire.
Je le suis, un peu interloqué par cette familiarité. Nous pénétrons dans une pièce totalement anachronique, d’un côté un petit salon intime avec une cheminée, deux fauteuils club et des trophées de chasse accrochés au mur, de l’autre, côté fenêtre, une paillasse de labo en céramique blanche, du matériel de chimie, ballons de verre, tubes à essai, distillateur, décanteur, un four Pasteur, etc. et trônant au milieu, un magnifique microscope dernier cri.
Alois, d’un geste large, me montre avec fierté son sanctuaire.
– Tu vois !
– Magnifique, mais quelle recherche faites-vous qui nécessite un tel matériel ?
– Aucune en particulier, tous les jours on me fournit des échantillons des quatre coins de la propriété, de la terre, des feuilles de vigne, des grappes de raisin, du vin, etc. Je procède à leur analyse, les examinent au microscope et en fonction des résultats, décide des travaux à exécuter sur l’exploitation.
– Je vais rarement sur le terrain, c’est ma manière de travailler, je suis un scientifique et non un fermier dit-il avec prétention.
– Je vais te montrer.
Il s’installe devant le microscope sous lequel il place une lame de verre, l’examine en réglant l’optique, puis sans se lever, déplace légèrement la tête.
– Tiens, admire…
Je m’approche, me penche en avant et regarde dans le binoculaire, de ce fait nos visages sont très proches, Alois ne fait rien pour l’éviter, bien au contraire ! Une bouffée de rage m’envahit, je me redresse d’un seul coup – quel con je suis —, M. Alois de Saint Léon est une tantouse, un pédé, je viens brusquement de m’en rendre compte. Je fais de mon mieux, pour ne pas laisser transparaître mon ressentiment. Je recule et fais mine de quitter la pièce.
– Intéressant, mais je n’ai pas d’attirance pour ce genre d’occupation. Cette phrase à double sens le laisse déconcerté.
– Oui, moi je préfère le terrain, c’est d’ailleurs pour ça que vous m’avez engagé…. non ?
Je quitte la pièce, sans me retourner, sors de la maison et me précipite chez moi, ou je laisse éclater ma colère. — merde… merde, quel idiot je fais, je n’ai rien vu venir, pourtant, maintenant je perçois de nombreux signes qui auraient dû m’alerter. Budu m’a dit un jour — il est gentil, très gentil le patron ! Ces allures maniérées, son habillement, son comportement en totale contradiction avec la vie rude du bled algérien.
Cependant, j’ai encore un petit doute, le moindre impair et je me retrouve au chômage. Le seul qui consentira à éclairer ma lanterne, c’est Bubu, je me rends donc chez lui, Rose sa charmante femme me répond.
– Qui a-t-il, Mr Blaise ?
– Je voudrais parler à votre mari, c’est urgent
– Il est au bloc de paye.
– Merci, j’y vais, au revoir Rose.
Comme d’habitude, arrivé devant la porte de fer, je donne un grand coup de pied dedans.
– Bubu, c’est moi Le Wenk.
– Entre.
Salut, excuse-moi de te déranger, mais il faut que je te parle. Je lui explique par le menu la séance du laboratoire avec le patron.
– Enlève-moi un doute, M. Alois de Saint Léon notre patron serait-il homosexuel ?
– Bien sûr, c’est de notoriété publique, d’ailleurs il ne s’en cache pas.
– Merde alors, crois-tu qu’il va me virer, parce que j’ai repoussé ses avances.
– Mais bien sûr que non, il a un amant régulier, Tobias c’est le jeune homme, le surveillant-pointeur qui était à la réunion de cette après-midi. Il habite dans la maison du patron, il est jaloux, faux-jeton et défend ses privilèges comme une maîtresse.
– Ah bon… ouf… tu me rassures. Merci, tu m’as beaucoup facilité la tâche depuis mon arrivée, j’espère que je te revaudrai ça un jour (hélas non, bien au contraire).
Je suis complètement chamboulé par la tournure des événements, je n’ai toujours pas fourni de travail depuis mon arrivée, il y a 10 jours. Personne n’a l’air de s’en soucier. Je songe un instant à quitter ce lieu étrange, mais je me reprends, je ne suis pas du genre à abandonner à la première difficulté.
Allez, du courage, pour me changer les idées, je vais à l’écurie, examine les chevaux, choisis "Isis" une jument qui me semble plus docile, la selle, malgré les protestations du "factotum" de service qui veut absolument le faire pour moi.
J’ai décidé que dorénavant plus personne ne sera mon domestique et ne fera le travail à ma place.
Je saute en selle, une pression des talons et Isis se met au trot, je trottine ainsi plusieurs heures dans les vignes et dans l’orangeraie, afin de m’évader de ce bourbier malsain. Mon postérieur brûlant me rappelle à l’ordre, je rentre à contrecœur, descend de cheval difficilement, mais je m’oblige malgré tout à soigner ma monture et à la remettre dans son box, pendant que le garçon d’écurie me regarde médusé.
Une idée m’est venue, qui coupera court à l’idée mal intentionnée de M. Alois.
Je me rends chez Bubu pour téléphoner.
J’appelle Marie et l’invite à venir passer un week-end ici avec moi. Il y a un train Alger — Affreville. J’irai la chercher à la gare. Nous nous mettons d’accord pour le premier samedi de février.
Là… à droite en chemise à carreaux, c'est moi.
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Gérard Le Wenk - Février 2016
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