AMOUR - DAMNATION ET RÉDEMPTION
En rentrant chez moi, je fais un détour pour dire bonjour a Lilas qui a un petit boulot dans un magasin diététique de la Rue Cornavin.
Je l’invite a boire un verre sur la terrasse du bistro d’à côté.
– Alors, ma fille, comment vas-tu ?
– Je vais bien, j’ai du boulot et j’habite chez une copine aux Grottes.
– Je suis content pour toi, tiens ces quelques billets, tu sais que je suis là en cas de nécessité, n’hésite pas à m’appeler si tu as besoin de quoi que ce soit.
– Merci papa. Au fait il faut que je te dise, j’ai vu ta chèèère Martina avec un mec, ils sortaient de chez Manor, ils avaient l’air très, très, intimes, enfin, je te dis ça, je ne voudrais pas que tu passes pour un con, tu vois ce que je veux dire, me dit-elle d’un ton légèrement perfide.
Je ne bronche pas, mais les battements de mon cœur se sont brutalement accélérés – la salope – cette fois elle va voir de quel bois je me chauffe.
– Tu le connais ?
– Non, jamais vu ce type, super costume, lunettes, légèrement chauve, un peu enrobé, un vrai connard de bobo.
– Merci Lilas, je vais m’en occuper sérieusement, mais chut... pas un mot à personne. Salut à un de ces jours.
Lorsque je rentre chez moi, il n’y a personne, portes et volets clos. J’entre, c’est bizarre, ça sent le renfermé, j’ouvre volets et fenêtres pour aérer.
Je m’installe dans le salon, il faut que je réfléchisse, après un double whisky je commence par y voir plus clair.
J’en suis à mon troisième Chivas, quand la porte s’ouvre, Martina fait son entrée accompagnée de Cédric qu’elle tient par la main.
– Ah… tu es déjà de retour, mais tu ne m’as pas téléphoné pour m’avertir.
– Non... je vois que tu as bien profité de mon absence, n’est-ce pas, sale traînée ?
– Ma parole, mais tu es saoul.
– Tu viens d’où, avec qui étais-tu ? Attention ne me raconte pas d’histoires, je ne suis pas d’humeur à écouter tes salades habituelles
– Mais je ne comprends pas, j’ai été en ville faire des courses, un peu de shopping avec une copine, et alors, tu me l’interdis.
– Donne à manger à Cédric et va le coucher, nous réglerons cette histoire plus tard.
– Je sors, il n’y a plus rien à boire, vais m’acheter du ravitaillement.
Lorsque je rentre, une bouteille de Glenfiddich à la main, que j’ai entamée en chemin, je suis déjà pas mal bourré. Je pénètre dans le salon, reste debout, vacillant.
Martina regarde la télévision, et me fait un grand sourire...
– Alors tu vas mieux, Cédric dort, expliquons-nous si c’est ce que tu veux.
Je bouillonne à l’intérieur, il faut que je me contrôle, je pourrais la tabasser.
– Cette fois c’est la goutte de trop, c’est terminé, mes cornes sont trop grandes, je ne peux plus les porter. Demain tu fais tes valises et tu te tires chez ton nouvel amant.
– Mais... pourquoi... quel amant ?
– Ferme là s.t.p. tu vas m’énerver. Je suis au courant, tu te promènes avec un gros con, style banquier, et vous avez même l’air très intimes. Je ne veux plus te voir ici. Ce soir je vais dormir chez ma fille. Si demain tu es encore là, ça risque de se gâter, trop, c’est trop. Salut.
Je sors de la pièce, sans me retourner, je serais encore assez con pour la prendre dans mes bras et lui pardonner une énième fois.
Cette fois j’ai la nette sensation que c’est la fin de notre histoire d’amour, la fin de notre mariage, la fin de tout. Ça fait mal, très mal.
Je traîne toute la nuit dans les bars, et finis par m’endormir sur le siège arrière de ma voiture. Lorsque je me réveille, il fait grand jour, je suis garé sur le parking de la Nautique. Je n’ai aucune idée de ce que je fais là.
Ma tête va éclater, mon cœur fait boum… boum dans ma poitrine, et des milliers d’étoiles tombent dans mes yeux. Je sors de la voiture, me cramponne à la portière un instant, en attendant que le bateau cesse de tanguer, puis je me dirige sur les rochers en bordure du lac. Je ne me souviens plus si j’ai voulu faire trempette ou si je suis tombé à l’eau.
– Monsieur... monsieur... va-y encore, file-lui une baffe, c’est bon il revient – vous m’entendez, c’est la police du lac, vous avez failli vous noyer – vous me comprenez.
– Hummmm... ouiiiii... nooooon....
– Nous allons vous amener à l’hôpital pour un contrôle, c’est le protocole.
C’est votre voiture, là avec la porte ouverte.....?
Vous êtes tout habillé, pourquoi ?
Vous vous appelez comment ?
– N’insiste pas, y comprend rien, je crois qu’il est complètement saoul et qu’il a glissé sur les rochers. Allez on l’embarque.
C’est quoi ce plafond ? Et ce lit ?
– Monsieur Le Wenk, bonjour vous êtes aux urgences de l’hôpital cantonal, vous avez failli vous noyer, et vous avez encore 2,5 pour mille d’alcool dans le sang.
Comment vous sentez-vous ?
– Flottant ! et j’ai soif, vous n’auriez pas une bière....Quelle heure est-il ?
– 18 heures, votre épouse va venir vous chercher, nous avons téléphoné chez vous pour l’avertir, que vous aviez eu un malaise.
– Téléphoner... quoi. Comment... qui ?
Je n’y comprends plus rien, mon cerveau refuse de se remettre en marche.
– Reposez-vous, je repasse dans un moment, sonnez si vous avez besoin de quelque chose. Tiens, justement voilà madame votre épouse.
– Quoi... encore... qui...?
– Blaise. C’est Martina, la police m’a téléphoné que tu avais eu un accident.
– Bah... j’ai glissé sur un des rochers et je suis tombé à l’eau. Rien de grave. Je vais mieux, tu peux retourner d’où tu viens, je n’ai pas besoin de toi. Laisse-moi je suis fatigué.
Je lui tourne le dos et ferme les yeux. Après avoir vérifié qu’elle a bien quitté la chambre, je sonne, lorsque le médecin arrive, je lui dis que je ne me sens pas assez bien pour rentrer chez moi.
– Pas de problème, passez la nuit ici, nous vous examinerons demain matin et si tout va bien, vous pourrez partir dans la matinée.
– Bonjour, Monsieur Le Wenk, voilà vos habits que nous avons fait sécher et repasser, vous pouvez vous habiller. Les derniers examens n’ont rien décelé d’anormal, mais vous devez absolument ménager votre cœur, sinon il va vous lâcher à nouveau. Vous pouvez partir, adieu.
Arrivé dans la grande halle d’entrée, je m’affale dans un fauteuil, il faut que je réfléchisse. Un immense gouffre sans fond s’ouvre devant moi.
Je n’ai pas de voiture, plus de femme ni de domicile fixe, demander de l’aide encore une fois à mon père ou à ma mère ! ah non... à plus de 40 ans faut arrêter avec ces conneries, assume et démerde-toi.
Première chose, faut que je retrouve ma voiture. Je téléphone à la police qui m’indique que je peux la récupérer à la fourrière. Je sors de l’hôpital et hèle un taxi – à la fourrière s.v.p.
Bon maintenant que j’ai ma voiture après avoir payé 150 balles de taxe, je dois retourner à la villa, mais me retrouver face à face avec Martina est au-dessus de mes forces. Par précaution je téléphone, et c’est Martina qui me répond...
– Tu es encore là ? Je t’avais pourtant dit de quitter cette maison.
– Écoute Blaise, j’ai demandé à mon avocat, il m’a conseillé de ne pas partir du domicile conjugal.
– Ah… tu as déjà pris un avocat... je vois. Et que comptes-tu faire ?
– Je vais habiter avec mon ami, il s’appelle Roland Vidal, il est comptable à l’UBS. Laisse-moi une semaine pour m’organiser.
– D’accord, tu prends tes affaires, tout ce que tu veux, je m’en fous. Mais pas d’avocat pour régler nos différends, ce n’est pas nécessaire, on va s’arranger à l´amiable... OK ?
– Tu vas voir, ma vieille, comme je vais vous arranger… ah si tu crois qu’on peut baiser Blaise comme ça – .
Pour me loger rapidement, une seule solution, louer un studio meublé. Je ramasse un GHI (le journal gratuit des petites annonces immobilières) dans une caissette, des studios meublés, ce n’est pas ce qui manque.
Après 3 ou 4 téléphones, je pense avoir trouvé ce qu’il me faut. Cher, beau quartier, libre de suite, il a même un parking. Avenue de Champel N° 48, 6ème étage. Je m’y rends immédiatement, le propriétaire habite dans la même allée. C’est une dame seule d’un certain âge, grande classe, bien conservée.
Le logement est magnifique, meuble de style, tapis d’Orient, tableaux de peintre Genevois et appliques en bronze doré aux murs.
L’affaire se conclut immédiatement, je paye 3 mois d’avance, ce qui facilite toujours les transactions.
– Voilà les clés, vous pouvez emménager quand vous voulez. Puis-je vous offrir un verre de Porto ou un thé monsieur Le Wenk ? Volontiers madame de Beaumont.
Je sens que la dame n’est pas pressée de me voir partir... au 3ème porto...
– Il faut que je parte, merci, madame, je viendrai demain, je viens de me séparer de ma femme, vous comprenez. Il faut que je règle pas mal de problèmes.
Je vais passer les 6 prochains mois dans ce studio, confortablement installé, à me remettre d’aplomb et à peaufiner ma vengeance.
Martina veut divorcer, son avocat m’envoie des injonctions, des papiers à signer, des rendez-vous, etc. Je fais le mort, laissons les mijoter dans l’incertitude.
Un jour Martina me téléphone et insiste pour un r. d. v. à la Clémence, le café branché du Bourg de Four, décidément elle aime bien ce quartier. Et puis c’est en face du poste de police, sécurité oblige.
– Viens vers 16 heures, juste pour discuter.
– Je viendrai. Salut.
– 16 heures, Martina est là, sapée comme une princesse, je m’assieds face à elle. J’ai toujours la rage de me l’être fait souffler. Elle est toujours si belle, mais si pernicieuse.
– Blaise, je t’en supplie, signe les papiers pour notre divorce. Tu veux quoi exactement ? Tu sais bien que c’est terminé entre nous.
– Non, je n’arrive pas à l’accepter, je voudrais passer une dernière nuit avec toi, tu sais bien que je t’aime encore. Après je verrai.
– C’est du chantage, ça !
– Non de l’amour, encore de l’amour, toujours de l’amour. Alors, que décides-tu ?
– Bien, j’accepte, je serais libre jeudi soir, Roland doit aller à Zurich durant 3 jours pour passer des examens de comptabilité.
– Je viendrai te chercher chez toi à 20 heures. Je réserverai une chambre pour nous deux à l’Hôtel de la Plage à Prangins, tu te souviens, nous y sommes déjà allés passer une folle nuit d’amour, après notre première séparation.
Je me lève, la prends dans mes bras et l’embrasse sur la bouche longuement, elle ne ce dégage pas, c’est bon signe pour la suite.
Le jeudi soir, comme convenu. Je téléphone à Martina.
– Tu es seule ? Oui, Roland est parti en train pour Zurich et Cédric est chez ses parents.
– J’arrive dans un quart d’heure.
Je sonne à la porte de leur appartement, Martina vient ouvrir en petite tenue, excuse-moi je ne suis pas encore prête – ça pourra attendre…
– Elle est où la chambre ?
– Là !
– Oui, celle-là.
J’ouvre la porte et la couche sur le lit plein d’amour et de haine. Je tiens ma revanche, faire l’amour avec Martina dans leur chambre, et sur le lit de mon rival. Pas de préliminaire, c’est rapide et violent, Martina est véritablement une experte du sexe, difficile de s’en passer.
– Viens te doucher maintenant, j’aime quand tu me savonnes partout... partout ? oui partout comme tu sais le faire.
Hummm... hummm....!!! c’est bon, oui, encore....!!!!!
– Prends le linge et essuie-moi, voilà, merci. Je vais m’habiller maintenant.
Il est finalement 21 heures lorsque nous arrivons à l’hôtel.
– Bonjour, j’ai réservé une chambre pour deux personnes – au nom de Blaise Le Wenk.
– Vous avez des bagages, monsieur Le Wenk ?
– Non, ce n’est pas nécessaire pour une nuit.
– Je regrette et je m’excuse, mais la direction ne souhaite pas recevoir des couples non mariés. Nous sommes un établissement sérieux et nous avons certaines exigences.
– Non, mais ça va pas ! Madame ici présente est mon épouse – Chérie montre lui ta carte d’identité. Vous voyez, nous prenons une nuit pour nous éclater.
– Oh... veuillez m’excuser de cette bévue, pour nous faire pardonner, je vous fais monter une bouteille de champagne. Voilà la clé de votre chambre la 113, celle qui donne sur le lac. Nous vous souhaitons une agréable nuit.
– Merci – je désirerais également 2 douzaines d’huitres, et 1 coupe de caviar avec des toasts. Vous pouvez nous faire servir cela ?
– Pas de problème, je vous le fais préparer immédiatement.
– Viens chérie, montons à la 113, je sens qu’elle va nous porter chance.
– Toc... toc... service d’étage, je vous apporte votre commande.
– Oui, entrez, svp mettez la table de service devant la fenêtre. Merci, ça ira très bien comme ça.
Sitôt la porte fermée, et le « Do not disturb » accroché à la poignée, nous appliquons le rituel pour nous mettre en condition, il est très simple, dès cet instant, c’est le nu intégral jusqu’au matin. Assis devant la baie vitrée, nous dégustons huitres et champagne, interrompu de temps en temps par de savants préliminaires érotiques que nous faisons durer jusqu’au paroxysme de l’excitation.
Subitement, le moment venu, d’un commun accord, nous tombons enlacés sur le lit et nous faisons l’amour avec fougue et passion, plusieurs fois, jusqu’à épuisement.
Juste de quoi reprendre notre souffle. Un encas de toast au caviar nous remet en selle pour une nouvelle chevauchée endiablée.
Martina est une experte pour ranimer le désir avec doigté… et application, quelles que soient les circonstances. Ah… quelle nuit, de ma vie je ne l’oublierai.
Nous quittons l’hôtel au matin, des cernes sous les yeux sous l’œil goguenard des employés de l’hôtel.
Je vais la regretter, Martina, c’est sûr et encore plus après une pareille nuit.
– Tu vois Blaise, j’ai accepté de passer cette folle nuit d’amour sans retenue, maintenant tu dois tenir parole et accepter de signer les papiers du divorce.
– Oui… oui, dis à ton avocat de me fixer un r. d. v. pour la semaine prochaine.
– Divorcer, ah… ah… tu peux faire une croix dessus ma belle, jamais... je veux vous emmerder et me venger. Tu n’as encore rien vu. Personne ne peut m’obliger à divorcer.
Quelques jours plus tard, n’ayant pas répondu à leur avocat, je ne suis pas surpris de recevoir un téléphone du Roland Vidal, le mec qui m’a piqué ma femme et mon enfant.
– Monsieur Le Wenk, bonjour je suis l’ami de Martina, je sollicite expressément une entrevue entre nous pour tenter d’aplanir nos différends. Où vous voulez et quand vous le pourrez.
Je reste silencieux un certain temps, histoire de le mettre en condition.
– Vous êtes là monsieur Le Wenk ?
– Oui, je réfléchis... attendez, je consulte mon agenda. Voilà, je peux vous rencontrer à l’Auberge du Pont-Rouge, demain mardi à 14 heures.
– Soyez exact, j’ai peu de temps.
Ça y est, j’ai ferré le poisson, on va voir ce qu’il a dans le ventre ce gros lard.
J’ai bien une petite idée, mais j’improviserai en fonction des événements.
u
Auberge du Pont-Rouge
Le lendemain j’arrive un peu en avance sur notre lieu de rendez-vous. La salle du restaurant est vide, seuls quelques habitués prennent un verre dans la partie bistro.
– Garçon... je peux m’installer à cette table du restaurant, j’attends quelqu’un, servez-moi un double bourbon avec de la glace.
– Voilà monsieur, désirez-vous autre chose.
Je regarde autour de moi, j’aperçois le chariot des desserts, je me lève pour l’examiner de plus près.
– Je vois qu’il reste une demi-tarte aux pommes, je vais la prendre. Mettez deux assiettes, et laissez la tarte sur la table, très bien, merci. Vous pouvez me donner un couteau, je vais me couper une tranche. Merci, cela ira très bien comme ça.
À l’heure dite, un homme, tel que ma fille me l’avait décrit, pénètre dans le café, jette un coup d’œil, m’aperçoit et se dirige lentement dans ma direction.
– Bonjour. Vous êtes bien monsieur Le Wenk ?
– Oui, et vous le Vidal de Martina ? Assieds – toi.
Je n’en reviens pas, comment un tel homme a pu séduire la belle Martina. OK il est certainement plus jeune, dans les 30 ans approximativement. Un début de calvitie, visage rond, lunettes, léger embonpoint, il a l’ait timide et emprunté. Je ne fais rien pour le mettre à l’aise. Je l’examine sans rien dire.
Enfin il se décide, et là je dois dire qu’il me surprend.
– Monsieur Blaise… J’aime Martina, je l’aime plus que tout, j’ai de l’argent et un bon métier, je la rendrai heureuse, je veux l’épouser et fonder une famille, je vous implore, rendez-lui sa liberté, elle n’est pas heureuse avec vous, elle ne vous aime plus, elle ne reviendra pas, etc.etc.
Pour un peu il se mettrait à genoux, à un moment il fait même mine de me saisir la main, que je retire prestement.
Non, mais quel con… quel con… il aurait voulu attiser ma colère... mon sang ne fait qu’un tour, je me lève pour saisir le gâteau et lui lancer à la figure, au dernier moment, au paroxysme de la fureur, ma main se plaque sur le manche du couteau posé sur la tarte et d’un coup sec, lui plante juste sous son sternum.
Sous la force de l’impact, Vidal tombe de sa chaise en hurlant, il s’étale sur le dos les bras en croix, le manche du couteau dépassant de son torse.
Aussitôt c’est le branle-bas de combat. Le personnel se précipite dans un affolement général.
Je reste assis sur ma chaise imperturbable à l’agitation ambiante.
– Non, ne retire pas le couteau, cela peut provoquer une hémorragie.
– Appelez une ambulance... et la police.
– Y a-t-il un médecin parmi vous ?
– Silence... seul un léger râle se fait entendre, de la mousse rouge est apparue sur la bouche du blessé.
Un des clients présents, qui veut jouer au héros tente de me saisir un bras, il reçoit mon poing en pleine gueule, ne fais pas le malin mec, attends la police.
Je réfléchis à toute pompe, à la version des faits que je vais donner à la police. Je sais une chose, si je ne veux pas payer trop cher mon geste, il ne doit pas y avoir préméditation. Crime passionnel sous l’emprise de la jalousie, je vais m’en tirer avec un ou deux ans de tôle.
Quoiqu’il arrive, le cocu s’est vengé, le con gît sur le dos, là devant moi, faisant des bulles avec son sang, il a l’air mal en point. Leur mariage n’est pas pour demain.
On y est, une sirène se fait entendre, puis s’arrête, des portières claquent, la porte d’entrée du restaurant s’ouvre pour laisser passer deux ambulanciers et deux policiers.
Chacun se dirige vers son client. Les flics me passent les menottes, les infirmiers penchés sur le gisant constatent les dégâts. Un des policiers prend une photo de la scène.
– Nous ne pouvons rien faire ici, il faut l’amener de toute urgence à l’hôpital pour l’opérer. Se tournant vers le policier, nous pouvons l’emmener ?
– Oui, il n’y a rien d’autre à faire.
Dans un vague brouillard, je les vois charger une personne sur un brancard, la sirène se remet à hurler, puis décroit.
– À nous, maintenant. Vous êtes qui ?
– Pourquoi avez-vous poignardé cette personne.
– Qui ? À ! la personne blessée, c’est Vidal, l’amant de ma femme.
– Il faisait quoi ici avec vous ?
– Je ne me rappelle plus. Je ne sais pas et je ne répondrai plus à aucune de vos questions. Emmenez-moi au poste, je veux appeler mon avocat.
S’adressant à son collègue, accompagne-le dans la voiture, tu restes avec lui et tu le surveilles bien. Je prends les dépositions des témoins et j’arrive.
– J’y suis arrivé, de l’astuce et de la patience. J’avais tout prémédité, mais ils ne pourront jamais le prouver – . J’avais laissé une part au destin.
Salle d’interrogatoire des services de Police de Genève.
18 heures.
Sont présents :
Le prévenu – Blaise Le Wenk.
Son avocat – Me Barreau.
L’inspecteur de police – Gendron.
– Le Wenk, reconnais-tu avoir poignardé la victime, un certain Roland Vidal.
– Faut pas exagérer... j’ai juste voulu le piquer avec un couteau à tarte, et sous le coup de l’énervement, j’ai appuyé un peu trop.
– Connaissais-tu cette personne. ?
– Oui, de nom, c’est l’amant de ma femme, mais je ne l’avais jamais rencontré.
– Pourquoi était-il là ?
– Il avait demandé à me voir.
– Pourquoi ?
– Je ne sais pas trop... il m’a dit de lui laisser ma femme, que je n’étais pas capable de la rendre heureuse, puis il a commencé à m’insulter, à me traiter de tous les noms. J’ai perdu mon sang-froid... après je ne me rappelle plus très bien.
– Me Barreau – c’est bon, mon client a répondu à vos questions, il ne dira plus rien maintenant.
– Très bien, monsieur Le Wenk sera présenté au procureur, en attendant, nous le mettons-en préventive à la prison de Champ-Dollon.
– Me Barreau – je désire m’entretenir seul un instant avec mon client.
Blaise, tu ne dis plus rien, en dehors de ma présence. Je vais rapidement te sortir de là. Je te lis les articles du Code civil qui te concernent :
Meurtre passionnel.
Si le délinquant a tué alors qu’il était en proie à une émotion violente que les circonstances rendaient excusable, ou qu’il était au moment de l’acte dans un état de profond désarroi, il sera puni d’une peine privative de liberté d’un à dix ans.
Lésions corporelles graves.
Celui qui, intentionnellement, aura blessé une personne de façon à mettre sa vie en danger, celui qui, intentionnellement, aura mutilé le corps d’une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou causés à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou aura défiguré une personne d’une façon grave et permanente, celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne tout autre atteinte grave à l’intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale, sera puni d’une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins.
Tu vois, je vais plaider le crime passionnel sans préméditation. Tu comprends bien ce que je veux dire.
– Parfaitement Maître. Et s’il meurt, ça change la donne ?
– Absolument pas, tu vas t’en tirer avec 1 ou 2 ans avec sursis.
Prison genevoise de Champ-Dollon.
Contrôle des entrées.
Fouille obligatoire.
À poil, écarte les jambes, penche-toi en avant.
Aïe... ma prostate !!! sale con !!
– Je te conseille de ne pas faire le malin, on en a maté de plus coriaces que toi.
– Oui, maton-chef.
Il est 20 heures quand la porte de la cellule se referme. Sacrée journée. Je suis quand même très satisfait de moi, maintenant je peux tourner la page Martina.
Tiens il y a un autre détenu étendu sur le lit, la pièce est sombre je ne le distingue pas trop bien. Je m’approche et lui tends la main.
– Salut…
– Salut... mec, eh... mais je te connais, tu es Blaise Le Wenk le fils de Tobias l’antiquaire. Je suis Robert Riesen, ex-notaire. J’organisais des ventes aux enchères.
– Ah oui, bien sûr, je me rappelle. Je me souviens aussi de ton affaire qui a fait du bruit dans le lanterneau genevois. Tu t’es mis 1 million dans la poche dans une transaction immobilière avec la ville.
– Enfin, c’est ce qu’ils disent, mais rien n’a été prouvé. J’ai quand même pris 3 ans, dont 1 an ferme lors de mon jugement.
– Et toi, qu’est-ce que tu fous dans ce trou à rat.
– J’ai planté l’amant de ma femme.
– Ben merde alors… il est clamsé ?
– Je n’en sais rien, c’est arrivé cet après-midi, ils l’ont emmené à l’hosto dans un sale état, avec un couteau dans le coffre.
– Et toi t’as encore combien à tirer ?
– 6 mois, mais je peux sortir le dimanche. Ici ce n’est pas trop mal, c’est la section des cols blancs. Ils nous mélangent pas avec les droits communs. Les matons sont réglos, nous avons même droit à certains privilèges. Si tu as un peu de tunes c’est la première classe – Traiteurs, cigarettes, pinard, bouquins, sortie, salle de sport, etc. et comme tu vois, pas de lit superposé.
– Génial, tu n’aurais pas quelque chose à croquer, je n’ai encore rien bouffé depuis midi.
– Tiens, des biscuits, et un coup de rouge pour faire descendre.
– Merci, t’es un pote, j’ai de la chance d’être tombé sur toi. (peut-être que le bras de Tobias arrive jusque là, ce qui ne m’étonnerait pas)
– Grouille-toi, faut se préparer, à 20 heures c’est l’extinction, toutes les lumières vont être coupée, faudra te procurer une lampe de poche.
C’est incroyable, le boucan qu’il y a dans une prison. Même la nuit il y en a qui gueulent, d’autres qui s’interpellent d’une cellule à l’autre, un vrai asile de fous. Quand je pense à mon dernier séjour dans le quartier cellulaire du château de Nyon, là c’était le calme plat, vue sur le lac, bonne bouffe, etc. Bon ça s’est mal terminé .
Je finis par m’endormir en rêvant que je suis en prison.
– Le Wenk... au parloir. Ton baveux est là.
– Merde, ce n’était pas un rêve...
– Bonjour Maître, alors qu’elles sont les nouvelles.
– Le Vidal va s’en sortir, mais, salement, amoché, avec un poumon en moins, tu ne l’as pas loupé. Il va falloir patienter, ton jugement n’aura pas lieu avant 3 à 4 mois. Je vais essayer de t’obtenir une liberté surveillée, mais rien n’est moins sûr.
– Merci Me. Barreau, pour le payement, vous voyez avec mon père. – C’est con, j’ai un tas de fric, mais impossible de le retirer, personne n’est au courant de mon compte à numéro, même pas mon père – .
3 mois en préventive, pas de libération conditionnelle, le proc à eu peur que je termine le travail sur Vidal ou quoi ?
Les jours sont longs, la vie en tôle, c’est monotone. Heureusement que je suis avec Robert, on se raconte les combinationes des ventes aux enchères.
Enfin le jour de mon jugement arrive. Me. Barreau m’a bien drivé sur mon comportement. Profil bas, tu regrettes, mais pas trop, t’es pas une lavette.
Faut s’habiller correctement, s’agit de faire bonne impression à la cour. Complet 3 pièces sombres, chemise blanche, cravate bleue, chaussures noires reluisantes.
Ensuite tout s’enchaîne comme une machine bien huilée.
Un taxi aux vitres grillagées vient me prendre à la porte de l’hôtel, là je m’égare. Le panier à salade me prend en charge dans la cour de la prison, le trajet est gratuit jusqu’au tribunal.
Je rentre dans la salle d’audience, encadré par deux gendarmes. Je m’assieds sur un banc de bois qui fait mal aux fesses, face à des juges installés eux, sur leurs estrades dans de confortables fauteuils.
– Prévenu, levez-vous.
J’obtempère, c’est pas le moment de faire sa mauvaise tête.
– Vous êtes bien Blaise Le Wenk, né le 1er janvier 1930 à Genève exerçant la profession d’antiquaire, fils de Tobias Le Wenk.
– Oui, c’est bien moi, monsieur le juge.
– Le procureur va vous lire l’acte d’accusation vous concernant.
– Monsieur Blaise Le Wenk, vous êtes accusé d’avoir volontairement et violemment agressé sans raison apparente, au moyen d’un couteau le dénommé Roland Vidal, mettant gravement sa vie en danger. Je tiens à préciser que la victime n’est pas présente aujourd’hui, son état de santé, suite aux séquelles conséquentes à l’agression qu’il a subie, ne le permettant pas.
La partie civile est représentée par Me. de Blataire.
Monsieur Le Wenk, reconnaissez-vous les faits tels qu’établis par les rapports de police.
– Oui, monsieur le procureur.
– La parole est à la défense. Me Barreau c’est à vous.
– Messieurs les juges, monsieur le procureur.... etc., etc.
– Remettons les choses à leur place. L’accusation nous dit – sans raison apparente – mais une raison, il y en avait bien une, et d’importance, monsieur Vidal était l’amant de l’épouse de monsieur Le Wenk et c’est lui qui avait insisté pour rencontrer mon client, dans le cadre d’un divorce que M. Le Wenk refusait obstinément.
Rendez-vous a été pris le mardi a 14 heures au Restaurant du Pont-Rouge. Lorsque M. Vidal s’est présenté, il a commencé à proférer des insultes envers le prévenu.
Dans ces conditions, monsieur Le Wenk a, comme on dit vulgairement, « pété les plombs » et sans qu’il y ait eu préméditation a, dans un état de profond désarroi, saisi le couteau utilisé pour couper les tranches du gâteau qui se trouvait sur la table et, d’un geste brusque inconsidéré, l’a projeté sur la personne de monsieur Vidal qui se trouvait face à lui.
Je tiens à préciser que toutes les dépositions des témoins présents à ce moment dans la salle concordent avec ces faits.
Dans ces conditions je demande qu’il soit, tenu compte des circonstances atténuantes, que la cour inflige une peine minimum à mon client Blaise Le Wenk. Merci messieurs les juges.
La cour se retire pour délibérer.
C’est le plus sale moment, pendant que tu poireautes dans l’anxiété, trois connards vont décider de ton sort pour les prochaines années, et il ne se pressent pas, boivent un coup, cigare, discutaillent tranquille.
– Alors ? On lui met combien ? Le maxi... non tu exagères, il a quand même des circonstances atténuantes le cocu !
– Et toi t’en penses quoi ? 2 ans avec 1 an de sursis.
– Merde vous êtes “vaches”, il ne mérite pas ça... Imagine que tu sois cocu, hein... tu ferais quoi ?
– M’en fous suis pas marié, vaut mieux d’ailleurs, je peux me taper toutes les putes que je veux. Président à toi de trancher... aaah (non pas la tête).
– Bien... il a fait combien de préventive déjà ? 3 mois. Disons… 1 an ferme et 2 ans de sursis, vous êtes d’accord ?
– Oui... oui... allons-y pour annoncer le verdict.
– Attendez, je n’ai pas fini mon verre.
– Grouille-toi, t’es pas encore en vacances.
– Messieurs... la cour, levez-vous. Merci, vous pouvez vous r´asseoir, sauf le prévenu. Monsieur le juge président, quel est votre verdict ?
– Après en avoir longuement débattu, nous avons jugé avec âme et conscience, l’accusé coupable. Nous lui avons cependant concédé des circonstances atténuantes. Monsieur Blaise Le Wenk, vous êtes condamné à une peine de prison de 1 an ferme, accompagné de 2 ans de sursis.
Pan… Pan… adjugé ! Affaire suivante......
Retour – panier à salade – prison – cellule.
Refouille, à poil, plie tes fringues dans ce carton, t’en auras besoin à ta sortie... si tu sors un jour... haha !
C’est bon, viens, je t’accompagne à ta chambre, faudrait pas que tu te perdes dans ces longs couloirs.
Nous y voilà – cellule 213 – entre... clic... clac...
– Salut, Blaise, alors combien t’as pris ?
– 1 an ferme.
– Bah... t’as déjà fait 3 mois de préventive, dans 3 mois tu demandes ta liberté conditionnelle, comme ça on pourra sortir ensemble.
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