Book movie des prochains 18.000 km.
Gare Centrale des bus – Boston 8 heures.
Première étape en Greyhounds jusqu’à Chicago.
15 heures de route et 1500 km. De Cleveland à Chicago, la vue se réduit en étendue de champ de maïs. Faut bien fournir en matière première les usines à Pop-Corn.
Comme souvent au cours de ce voyage, le terminus des bus sont situés dans les quartiers chauds des villes et l’arrivée en pleine nuit. Ce qui nous a valu pas mal de surprises et d’ennuis.
Faut dire qu’à cette époque, ce mode de transport bon marché n’est pratiqué que par les exclus du système capitaliste, plutôt des gens de couleur sombre ou des blancs alcolos ou pauvres ou les deux... oui, oui il y en a !
Pratiquer à pied les grandes métropoles américaines, ça use... ça use les souliers.
Notre première expérience, à ce sujet, c’est justement à Chicago que nous allons la vivre. Avant notre départ, nous avons collecté un certain nombre d’adresses de centres macrobiotiques et de restaurants, l’un de ces restaurants se situe au 6500 Cicero Av. Ce qui, depuis notre point de départ, représente 25 km et 5 heures de marche sac au dos sous le soleil. Mais ça nous ne l’avons su qu’après.
Nous voulions juste prendre le repas de midi, heureusement, il restait encore de quoi nous restaurer à 19 heures lors de notre arrivée. – une tarte aux épinards et un potage miso au tofu -. Nous sommes revenus dans le centre en 20 min. de bus – . C’est une des plus dures épreuves que nous ayons eu à subir lors de notre périple. Depuis, nous sommes devenus méfiants sur l’évaluation des distances. L’Amérique n’est pas un pays pour les marcheurs à pied !
Avec le Pass libre circulation, l’énorme avantage, vous pouvez prendre n’importe quel bus et en descendre quand vous voulez. Ce qui de temps en temps réserve des surprises.
Ah, c’est vrai, j’ai omis de vous dire que nous avons entamé cette visite des States avec l’arrière-pensée de trouver un lieu où nous pourrions nous installer, et acquérir éventuellement une ferme pour cultiver et produire des produits bio.
Prochaine étape Chicago – Portland – 3500 km.
Hoo... Cléo, réveille-toi. Je regarde ma montre, déjà 10 heures que l’on roule, juste un arrêt pipi de 10 minutes. J’en ai marre, au prochain arrêt on descend.
Tiens, mais nous sommes de retour en Suisse. Des paysages de montagnes, recouvertes de forêts de sapins et de lacs, défilent de chaque côté de la route.
Le bus stoppe enfin dans la ville de Missoula dans le Montana, nous sommes dans les Rocky Mountains. Comme à chaque fois que c’est possible, nous examinons les photos des propriétés à vendre dans la vitrine des agences immobilières que nous repérons dans nos déplacements. La plupart du temps sans succès.
Cette fois, une photo et la description attirent notre attention :
À vendre : Chalet de rondin, entièrement meublé, sans confort, avec 125 hectares de forêt et un lac. 25.000– $. au lieu-dit ; Le Nez Percé, national Forest à environ 60 km, de route.
– Viens, Cléo, on entre pour se renseigner. Demande si nous pouvons visiter.
Oui, vous pouvez, mais il n’y a aucun moyen de transport. Il vous faut aller au Bar Blues Mountain, là en face... vous y trouverez des forestiers qui travaillent dans la région, voyez avec eux, s’il peuvent vous y déposer moyennant un petit dédommagement.
– Et sans confort, ça veut dire quoi précisément ?
Sans électricité, sans eau courante, sans chauffage, en réalité c’est une cabane de trappeur.
Bien, merci. Nous allons essayer de nous y rendre. Vous avez une clé ?
Non, tenez je vous fais un dessin pour la trouver. Remettez-la en place, votre nom, please.
– Monsieur Lewouenk. Je vous téléphone si nous sommes intéressés.
J’adore, il y a de l’aventure dans l’air. Traverser la route, entrer dans le bar.
Une douzaine de colosses barbus sont alignés le long du zinc. Les conversations s’arrêtent et douze têtes se tournent et regardent Cléo comme si la vierge leur était apparue.
Oh... mec, pas de femme ici, c’est un bar d’hommes. Il y a un tea-room plus loin pour les gonzesses.
“Voyons voir ? Comment y fait John Wayne quand il pénètre dans un salon où il y a des connards qui lui cherchent des noises. Il pose ces mains sur les étuis de ses pistolets, lance un regard bleu perçant, s’avance lentement...
Laissez vos pognes bien en vue. Tsss... tsss... c’est bien les gars. Je m’avance sort mon colt et le dépose ostensiblement sur le bar. Patron un bourbon “.
C’est con, mais je ne suis pas John Wayne, je bats en retraite en marche arrière. Cléo, va m’attendre en face, c’est préférable, je vais tenter de discuter.
Je remonte ma ceinture qui a tendance à descendre avec le poids des révolvers, bombe le torse et pousse les deux battants du saloon.
Personne ne bouge. Je m’approche...
– Salut... c’est à nouveau moi, patron mets une tournée. J’attaque immédiatement. Je suis Blaise, est-ce qu’il y aurait parmi vous quelqu’un qui veut se faire un peu de fric, en nous accompagnant, moi et ma femme que vous avez expédiée sur le trottoir... d’en face, au Nez Percé, à la cabane du trappeur qui se trouve au bord du lac aux Ours.
– À votre santé.
Chacun regarde le fond de son verre avec intensité, combien je vais lui demander ? 100 $ ? – 200 $...
– Tu payes combien mec ?
– Tu veux combien ?
– Aller-retour ? Non seulement aller.
Voilà qu’ils se regardent en se grattant les barbes. Vas-y toi Ted, c’est près de ta coupe.
– OK man, pour 100 $, je t’embarque, départ dans 1 heure. Rendez-vous au garage Shell, et tu me payes le plein.
– Merci les gars, pour votre accueil !
– Viens, Cléo, nous allons au garage Shell, il y a un des bûcherons qui nous prend.
– Il est où, ce garage ?
– Je n’en sais rien, faut se renseigner. Tiens, demande à ce vieux qui est assis là devant sa maison.
– Le garage Shell ? – Là-bas sur la rue Centrale à 1 km.
Il y a déjà un bon moment que nous poireautons, lorsqu’enfin un énorme Pick-up Dodge rouge arrive en fumant comme une locomotive à charbon, les bas de portes dentelés par la rouille, l’avant et l’arrière cabossés, fixés par des sangles.
Un jeune noir en salopette aux couleurs de la Shell – trop grande pour lui, se précipite, – je vous fais le plein monsieur Ted. – oui, et c’est le mec, là – il me montre du doigt – qui paye.
Le compteur tourne déjà depuis un bon moment, il affiche 40 gallons (150 lt.) lorsque le reflux crache 2 ou 3 litres sur la chaussée. Eh bien, mon salaud, c’est un camion-citerne, ta bagnole.
Combien je te dois mon petit ? 40 $ – Msieur. C’est vrai qu’ici l’essence coûte moins cher que l’eau.
Tiens 50 $ garde tout. Ted, voilà tes 100. $ pour le trajet.
– Mettez vos bagages derrière, et montez.
Et c’est parti, pour un rallye cahoteux. La route n’est pas bitumée, des nids de poules aussi profonds qu’un cratère de volcan jalonnent l’itinéraire. D’une main je me cramponne à la portière et, de l’autre, je retiens Cléo par la taille pour éviter qu’elle ne s’envole, et que sa tête n’aille se fracasser contre la tôle du toit.
Le Ted, cramponné à son volant, tente d’éviter les pièges de la route. Les 60 km sont parcourus en moins d’une heure. C’est bon Ted, tu as réussi ton permis pour Indianapolis !
– C’est là, votre baraque en contre-bas au bord du lac. J’ai connu l’ancien occupant, c’était un vétéran du Vietnam, il est tombé dans le lac complètement bourré, il n’a pas pu remonter sur la berge.
Si j’ai un conseil, ce n’est pas pour vous, ici les hivers sont longs et rigoureux. Vous pouvez rester plus d’un mois isolés, sans moyen de transport ni de communication, avec, uniquement, les ours pour compagnie. Allez, je vous laisse, j’ai ma coupe juste au-dessus.
– Salut Ted, merci.
Alors, cette clé… elle nous a dit sous la troisième marche de l’escalier. Là, c’est bon, je la tiens.
J’ouvre avec peine, serrure et gonds sont complètement rouillés. Vouhaa... c’est quand même pas mal, l’intérieur est propre et bien rangé. Je me demande qui fait le ménage ?
– Qu’en penses-tu chérie ?
– Génial… oui, je sais nous sommes en été, mis à part les moustiques, c’est le paradis.
Il y a même une pirogue et du matériel de pêche, tiens… ça me donne une idée, je vais allez pêcher notre repas.
– Fais attention quand même, Blaise... ne t’éloigne pas trop de la rive.
– T’inquiète, je sais nager et je ne suis pas bourré, prépare le barbecue en attendant, il y a assez de bois mort par là autour pour le feu.
J’amorce avec la viande d’un vieux hamburger que j’ai au fond de ma besace. En 1 heure j’ai pris 2 sandres et une truite de 1 kilo, le coin est poissonneux, personne ne vient jamais jusqu’ici.
Quelle paix, le lac est d’huile, juste de temps en temps, un poisson saute hors de l’eau et retombe avec un ploufff..., en laissant des ondes concentriques qui finissent par doucement s’évanouir.
Au loin, par instant, j’entends le bruit strident de la scie de Ted qui attaque le tronc d’un arbre, suivi d’un puissant craquement qui résonne comme le dernier râle du vieil arbre qui meurt.
Rien pour accompagner les poissons grillés, heureusement Cléo a déniché du sel et de l’ail des ours, nous nous pourléchons les babines comme jamais.
Dans la soirée, nous allumons un feu en bordure du lac, et nous nous apprêtons à rentrer dans les sacs de couchage, quand un bruit de branches cassées nous met sur le qui-vive !
Un animal sauvage, peut-être un ours ou un loup… vite faut ranimer le feu, une ombre approche... grandit...
– N’ayez pas peur, c’est moi Ted.
– Merde, Ted, tu nous as foutu une de ces trouilles. C’est con, il n’y a plus de poisson, mais assied toi auprès du feu.
– Attendez, j’ai de quoi nous réchauffer, Ted me tend une gourde, Bourbon maison... à la vôtre. Je la passe à Cléo, tiens, attention il décape.
– Au fait, il y a du gibier dans la région ?
– Tu parles, des ours, des loups, des cerfs et du lynx, c’est une réserve naturelle, la chasse est interdite. Bon, il y a de la braconne, mais si les gardes te chopent, c’est 1000 $ d’amende et la prison ferme.
Faites quand même gaffe à ne pas laisser traîner de la nourriture à proximité, les ours du coin sont gourmands et n’ont pas trop peur de l’homme.
Nous voilà rassurés. Finalement nous préférons dormir à l’intérieur, la porte bien verrouillée.
– Moi, je dors dans mon Pickup sous une bâche. Bonne nuit, vous deux.
C’est le soleil qui rentre par l’unique fenêtre qui nous réveille.
– Je sors péniblement du sac de couchage, je vais pour passer une chemise, quand je me ravise....
– Cléo, réveille-toi, on va piquer une tête au lac.
– Comme ça, toute nue ?
– Oui, bien sûr, nous sommes seuls, et il n’y a pas d’ours en vue. Tu sais bien que j’adore le naturisme.
Brrrr... elle est quand même froide. 100 mètres de crawl à fond et retour. Rien pour s’essuyer, le soleil pour se réchauffer, mais pas seulement...!
– Tous ces ions négatifs, ça me met en émoi, et nos corps nus ruisselants ne demandent qu’à communiquer.
Allongés sur les sacs de couchage, nous faisons l’amour comme les Robinsons Suisses, perdus sur leur île. Nous crions, nous rions, nous dansons, c’est merveilleux, l’amour partagé sans contrainte.
L’extase passée, nous réalisons qu’il n’y a rien à manger et surtout pas de café, et aucune boisson chaude.
Il ne me reste juste que 3 cigarettes chiffonnées dans un vieux paquet de Camel.
Nous quittons l’endroit à regret, c’est fantastique pour passer des vacances de rêve, mais pour y vivre, c’est une autre paire de manches !
Faut être raisonnable, ce n’est pas pour nous, malgré l’attrait indéniable de la région. Nous fermons la porte et remettons la clé dans sa cachette.
Excellente journée pour une marche en forêt. Avec quelque chose à se mettre sous la dent, on en profiterait encore plus. Mon estomac tiraille, nos dernières cigarettes se sont envolées en fumée ! Pour l’eau, c’est ce qui manque le moins, des sources d’eau pure, jaillissent tout au long de la route.
30 jours sans manger – 3 jours sans boire – 3 minutes sans respirer. Il y a encore de l’espoir.
Toute la journée, nous avons espéré le passage d’un véhicule, c’est seulement à la tombée de la nuit qu’une voiture des gardes-chasses du parc s’arrête enfin à notre hauteur.
– Mais qu’est-ce que vous foutez ici, vous êtes dingues ou quoi. Nous lui expliquons la raison de notre présence sur cette route forestière perdue dans les Rocky Mountains.
Vous avez des papiers ?
– Ah vous êtes Suisse – le Cervin – le chocolat et les belles montres. Mon père qui était G.I. dans l’armée américaine a passé 15 jours de vacances en 1945 dans un hôtel à Montreux. Il m’en parlait souvent, il me disait que les montagnes étaient abruptes et enneigées et que cela ressemblait à l’Oregon.
Montez, il y a un motel à 20 km, vous pourrez vous y reposer et manger un morceau.
Cette route est dangereuse la nuit, de nombreux grizzlis l’empruntent pour descendre au lac, et je ne vous souhaite pas d’en rencontre un.
Ouf, nous l’avons échappé belle.
Voilà le motel le « Walla-Walla » après il n’y a plus rien jusqu’à Grangeville dans l’Idaho. Faudra faire du stop pour vous y rendre, vous ne devriez pas avoir de difficulté, en cette saison il y a de nombreux touristes qui tentent de photographier des grizzlis.
CLÉO ET BLAISE |
Lorsque nous pénétrons dans la réception, un énorme ours empaillé, dressé sur ses pattes arrière nous accueille.
Bonjour – une chambre pour deux avec douche.
– Parking ?
– Quoi… ah non, nous sommes venus à pieds.
Regard sceptique ! – foutez-vous pas de ma gueule.
– Le restaurant est ouvert ? Vous servez encore à manger ?
– Oui, tenez votre clé – la 84 – pas de problème pour vous restaurer, ma femme va vous servir, la salle est par là.
La faim nous tenaille, nous nous rendons directement au restaurant.
À l’intérieur trois tables sont occupées par des touristes qui se racontent leurs exploits photographiques avec force gestes à l’appui, apparemment ils ont réussi à prendre au téléobjectif une femelle grizzli avec ses 3 petits. Ça s’arrose...
Une femelle d’homme s’approche de notre table. Elle est presque aussi imposante que le grizzli de l’entrée. Des seins et des bras capables de vous broyer un mâle si vous y mettez la tête. Une tresse de cheveux d’un jais luisant lui descend jusqu’à la taille. Elle m’a tout l’air d’être d’origine indienne.
– Pour vous ça sera quoi ? Dépêchez-vous le cuisinier, s’impatiente, il en a marre. Voilà ce qu’il nous reste ; du steak d’ours, – ah ! Je comprends la ressemblance, elle doit en manger tous les jours – du cerf et du saumon sauvage, servi avec des pommes de terre au four et de la crème aigre.
– Saumon pour les deux, et une bouteille de vin.
– Je vais vous préparer ça. Pour le vin, prenez une bouteille sur le buffet, c’est du Californien – moi je n’ai pas le temps, la voilà qui se dirige au fond de la salle et disparait vers la porte marquée cuisine.
– Une ½ bouteille plus tard, la matrone en ressort, ceinte d’un tablier blanc, taché de traces brunâtres, qui lui entoure la taille, elle tient dans ses bras un plat qui contient un saumon de plusieurs kilos, entouré de sa garniture de p. de. t. enveloppées de papier d’alu.
– J’ai pas plus petit, mangez ce que vous pouvez, je donnerai le reste à mes chiens.
– Dommage pour les chiens, reste juste la queue et la tête du saumon qui ont survécu à notre fringale, et notre gourmandise, faut bien le dire.
Je me sens en forme, demain, je remonte la rivière à la nage…
Après une nuit digestive et agitée, peuplée d’indiens chassant l’ours qui attrape un saumon, je me réveille pas très frais. Je laisse Cléo qui dort encore profondément.
Il me faut du café, vite, du café noir, sucré, brûlant.
Dans la salle, une jeune Indienne qui ressemble en plus menue, à la cuisinière d’hier soir, s’occupe du service. Elle arrive avec un pot de 3 litres de café fumant à l’américaine.
– Bonjour. Je vous sers ? Oui... oui…
– Le sucre est sur la table avec le sirop d’érable. Pour manger, c’est là sur le buffet.
Du saumon en gelée, du rôti de viande, des œufs cuits durs, des œufs de poisson genre caviar rouge, du beurre et des toasts.
Après avoir bu avec délectation ma tasse de café, et mangé un toast au caviar rouge, je fais signe à la serveuse de me resservir un café.
– Vous pouvez me préparer un plateau pour ma femme svp. Je vais lui apporter dans la chambre. Oui, mettez un assortiment de tout et 4 toasts grillés.
Pendant qu’elle s’affaire, je lui fais la conversation.
– Vous êtes la fille de... de...
– En effet, je suis la fille de la patronne, cuisinière et propriétaire des lieux, mon père s’occupe de la réception, nous sommes les derniers représentants de la tribu des Walla-Walla, cette région était notre domaine avant la conquête.
Le gouvernement nous a procuré cette concession, à la place d’un Casino, ici dans ce coin perdu, que ferait-on d’un casino, mais évidemment cela rapporte moins.
Voilà pour votre dame, je peux lui apporter si vous le désirez.
Non, non ça ira, je m’en charge.
– Cléo..., réveille-toi, regarde ce magnifique plateau. T’inquiète, quelques kilos de plus ne te feront pas de mal.
Je vais à la réception, pour me renseigner s’il y a un moyen de quitter cet endroit.
– Bonjour patron, je chercher quelqu’un qui serait d’accord de nous déposer à Grangeville. Vous avez une idée ?
– Non… restez ici et demandez vous-même aux prochains touristes en partance.
Ce n’est qu’en milieu de matinée qu’un jeune couple sympa accepte de nous prendre en charge. Ils nous déposeront directement à Portland au bord de la Columbia River.
Fait chaud |
Rien à dire sur cette ville, seule la rivière est magnifique.
Nous sautons immédiatement dans un bus en partance pour San Francisco à 1200 km par la route du littoral. La côte est si sauvage qu’on l’appelle la Lost Coast, « la côte perdue ». À l’arrêt de Crescent City, nous décidons de poursuivre à pied et de traverser la célèbre forêt de Séquoias par le Redwood National Park et de longer la côte jusqu’à Fort Bragg, soit environ 400 km. Les séquoias font partie des plus grands arbres de la planète. Le record de hauteur est détenu par un arbre baptisé « Hyperion », du nom d’un titan de la mythologie grecque, qui mesure 115,5 mètres de hauteur. D’autres spécimens dépassent les 100 mètres de hauteur, tel le « Tall Tree » (photo) qui se situe à Prairie Creek (112,11 mètres).
Le plus gros séquoia est le « Géant du Nord », qui pousse Redwoods State Park. Les séquoias vivent en moyenne 600 ans, mais certains atteignent 2 000 ans, ce qui range ces arbres dans la catégorie des organismes vivants ayant la plus grande longévité sur la planète. Cette durée de vie exceptionnelle est due à leur résistance aux maladies et aux incendies. Ces arbres bénéficient d’une écorce protectrice et d’une forte teneur en tanin.
Si les arbres atteignent une telle hauteur, c’est que le climat côtier est extrêmement humide, chaque matin un brouillard dense enveloppe la forêt, pas question dans ces conditions de dormir à la belle étoile.
Plusieurs hôtels jalonnent cet itinéraire, très touristique, et le long de la côte subsistent encore les cabanes-gîtes des bûcherons qui décimèrent le 90 % de cette forêt, pour construire la ville de San Francisco au 19ème siècle, et la reconstruire après l’incendie qui la détruisit entièrement suite au tremblement de terre de 1906. Nous y gîtons plusieurs fois.
15 jours seront nécessaires pour arriver à Fort Bragg, de là, nous reprenons le bus Greyhound en direction de San Francisco.
À notre arrivée, toujours à la recherche d’aventure insolite, nous nous installons dans un hôtel chinois du quartier de Chinatown. Le patron, probablement très fier de recevoir des étrangers de marque dans son établissement, ne nous fait pas payer d’avance. Ça tombe bien, car nous n’avons plus de cash ni de travellers. Avons essayé les chèques, mais personne n’en veut ! Il faut 10 jours pour recevoir de la fraîche de la First National Bank of Boston. C’est ça l’Amérique, pour certaines choses, elle en est restée au temps des diligences. Ultime solution, le Consulat Suisse. Après plusieurs rendez-vous et avoir vérifié longuement notre identité et signé une reconnaissance de dettes, le bureaucrate de service nous consent à regret un prêt de 300 $.
Le patron de l’hôtel commençait à être inquiet, nous avons beau lui faire des courbettes en joignant les mains à chaque sortie, je vois bien le doute s’installer dans son esprit. 100 $ d’acompte le rassure sur notre compte.
Sauvés de justesse. Aujourd’hui c’est justement l’anniversaire des 40 ans de Cléo. Nous festoyons dans un chinois de Chinatown et après de multiples toasts de « maotai » l’eau de vie de riz chinoise, nous sortons complètement ivres, heureusement notre hôtel se situe juste en face, et il n’y a pas de circulation à ces heures.
Nous passons 12 jours à San Francisco, la ville la plus attachante des States.
L’argent est arrivé, payé l’hôtel, remboursé le consulat Suisse et nouveau départ. La question est, où va-t-on ? Le choix est immense, c’est grand, l’Amérique.
– Cléo, ferme les yeux, et pose ton doigt sur la carte des États-Unis.
– Yes : Salt Lake City dans l’Utah. Le pays des Mormons.
1200 km via Sacramento – Reno, la traversée désertique du Nevada – les berges du Grand Lac Salé et Salt Lake City.
La grande avenue qui traverse toute la ville 40m de large,
30km de long.
|
Vue de S.States Street avec le Capitole Hill dans le fond. Impressionnante avenue qui traverse toute la ville, longueur de 60 km, largeur comme deux autoroutes, construite vers 1852. À la question pourquoi construire une avenue aussi large à cette époque ?
Réponse : Un attelage tiré par 6 bœufs devait pouvoir faire demi-tour sur place.
Cléo pose devant une glace géante de sel !
La particularité des randonnées au Grand Canyon, c’est que l’on commence à descendre… et que le retour se fait en remontant, contrairement aux randonnées en montagne. Cette particularité fait que la randonnée dans le Grand Canyon peut devenir dangereuse ; il est très facile de descendre et beaucoup plus difficile de remonter. Or certains randonneurs n’arrêtent de descendre que lorsqu’ils commencent à être fatigués ou à avoir faim. Ainsi, de nombreux panneaux « Danger de mort » sont affichés au début de la descente pour informer les touristes des difficultés, et de les sensibiliser, afin qu’ils fassent très attention. Un chemin de randonnée traverse le fleuve Colorado depuis Grand Canyon Village. Les autorités du parc déconseillent fortement de descendre au fleuve et de remonter le canyon sur une seule journée, surtout que la température peut s’élever à 40 degrés Celsius en été.
J’accélère, sinon vous n’en verrez jamais la fin. Ma mémoire me joue des tours.
Pas envie de passer par L.A. et Las Vegas ne nous attire guère.
Ce que je tiens absolument à visiter, c’est le Grand Canyon. Arrivée à Grand Canyon Village – Descendre au fond du trou 1300 mètres plus bas et, tremper ses pieds dans le Colorado.
La particularité des randonnées au Grand Canyon, c’est que l’on commence à descendre… et que le retour se fait en remontant, contrairement aux randonnées en montagne. Cette particularité fait que la randonnée dans le Grand Canyon peut devenir dangereuse ; il est très facile de descendre et beaucoup plus difficile de remonter. Or certains randonneurs n’arrêtent de descendre que lorsqu’ils commencent à être fatigués ou à avoir faim. Ainsi, de nombreux panneaux « Danger de mort » sont affichés au début de la descente pour informer les touristes des difficultés, et de les sensibiliser, afin qu’ils fassent très attention. Un chemin de randonnée traverse le fleuve Colorado depuis Grand Canyon Village. Les autorités du parc déconseillent fortement de descendre au fleuve et de remonter le canyon sur une seule journée, surtout que la température peut s’élever à 40 degrés Celsius en été.
Nous sommes en juillet, la chaleur est terrible déjà au départ. Par précaution nous décidons de descendre à pied et de remonter en mules.
La descente s’avère beaucoup plus éprouvante que prévue, pas question de passer la nuit au bord du fleuve, j’ai énormément de peine à respirer, la chaleur est torride, remontons, ce qui nous prend plus de 5 heures à la vitesse des mules.
"Dans quelque temps, je vais payer cher cette imprudence".
Vite de la fraîcheur... L’unique endroit frais, c’est dans les bus Greyhound, climatisés à 14 C°. Ce qui donne quand même une impression de froid polaire, nous enfilons nos doudounes à plumes pour traverser les vastes plaines désertiques du Nevada et du Nouveau-Mexique.
Passage à Gallup et arrivée à Albuquerque.
De là, nous faisons un petit détour dans « le train sifflera 3 fois », film culte avec Gary Cooper et Grace Kelly, en direction de Santa Fe au Nouveau-Mexique.
Nous nous réinstallons dans le bus pour El Paso à la frontière Mexicaine, 500 km direction plein sud. Nous arrivons à destination en début d’après-midi, le thermomètre géant, installé devant l’hôtel Hilton, marque 48 C°.
Juste le temps de franchir en courant les marches de marbre blanc brûlantes pour nous réfugier dans un havre de fraicheur climatisé.
Personne dans les rues, à part de rares taxis climatisés et quelques balayeurs mexicains basanés, certainement les seuls à supporter une telle fournaise.
Le Rio Grande, mince filet d’eau sale, marque la frontière avec le Mexique et la ville de Juárez.
À l’hôtel, dès 18 heures, c’est le service happy hours, 2 verres pour 1 commandé, accompagné pour te donner soif, d’un chili con carne rouge rubis qui ferait baver un chameau.
4 verres plus tard et deux portions de Chili, ma langue enfle et occupe toute la place dans ma bouche. Je me trouve dans l’impossibilité de parler.
Cléo, plus raisonnable a juste bu 2 verres et goûté un morceau de bœuf qu’elle a recraché... Pouah… trop pimenté pour moi.
La nuit sera pénible, nous quittons cette ville entièrement climatisée, au plus vite.
Nous nous dirigeons maintenant en direction de La Nouvelle-Orléans, avec la traversée de Alamogordo, lieu de triste renommée où fut conçue et testée le 16 juillet 1945 « Trinity » la première bombe atomique. De chaque côté de la route, nous pouvons observer les puits où sont enfouis les missiles à têtes nucléaires, censés protéger les États-Unis d’une attaque des Russes. Partout des écriteaux « interdiction de photographier et interdiction de descendre du bus ».
Je prends malgré tout quelques clichés à travers les vitres du bus. Mal m’en prend, lors du développement à notre retour en Europe, toutes les photos prises depuis Santa Fe sont totalement voilées par un pigment argenté.
Il parait que les vitres contiennent un filtre spécial qui empêche et détruit entièrement le film que contient votre appareil, à moins que cela ne soit la radioactivité ambiante.
Nous continuons directement jusqu’à San Antonio, où nous arrivons à 2 heures du matin. La salle d’attente est le théâtre d’une bagarre au couteau entre gangs, plusieurs blessés gisent au sol et baignent dans leur sang. La police bloque la rue et nous fait signe de nous éloigner.
Le shérif à l’étoile s’approche de nous… Comme vous le voyez, la salle n’est pas accessible pour le moment, nous attendons qu’ils aient fini de régler leurs comptes avant d’intervenir. Revenez en début de matinée, tout sera rentré dans l’ordre d’ici là.
Ce n’est pas le moment de faire du tourisme à travers cette ville, mieux vaut ne pas trop s’éloigner des forces de l’ordre.
Nous nous installons sur un banc et assistons aux dernières scènes de combats, sous l’œil imperturbable de la police. À la fin, la police embarque les survivants, les ambulances les morts et les blessés. Pour terminer, une entreprise privée de nettoyage vient rincer à grande eau le dallage. Lorsqu’à l’aube, nous pénétrons dans la halle, rien ne laisse soupçonner les violences de la nuit qui vient de s’écouler.
À 7 heures notre bus pour New Orléans est prêt au départ, pour une étape de 950 km avec un arrêt à Houston.
NEW-ORLEANS
Il est 20 heures lorsque nous arrivons fourbus à La Nouvelle-Orléans.
Nous nous dirigeons immédiatement au Vieux Carré dans l’ancien quartier Français, le centre historique de la ville, où on parquait les esclaves créoles français, utilisés dans les plantations de coton.
Nous y trouvons un hôtel typique au balcon de fer forgé et cour intérieure dans Bourbon Street. (en référence à Louis XlV le Roi Soleil).
Trop crevés pour ressortir. Nous remettons à la nuit prochaine une virée dans les bars à jazz de Bourbon Street.
Au réveil, nous mettons les pieds dans 10 cm. d’eau, la clim est en panne. L’aubergiste refuse de nous changer de chambre, l’hôtel est plein nous dit-il. Devant notre look inusité, je le soupçonne de se méfier de nous.
Pour débuter la journée du bon pied, nous commençons par un petit déjeuner gourmand sur une terrasse bordant le fleuve : beignets au sucre et café au lait typique de la Louisiane.
Nous poursuivons par la visite du port, où le « Natchez », bateau à aube, 6ème réplique de celui de 1870, est prêt à partir pour une croisière sur le Mississippi, en direction de Bâton Rouge. Nous ne laissons pas passer cette opportunité. Embarquons pour la journée.
Le soir venu, nous déambulons dans Bourbon Street, nous ne sommes pas les seuls. Difficile de trouver une table, en salle, nous nous contentons des tabourets au bar. Chaque établissement a son orchestre de jazz, plus ou moins authentique.
Après avoir dégusté plusieurs cocktails « Vieux Carré », dont je vous confie la recette : whisky (bourbon)-Cognac-Vermouth rouge (Martini Cinzano) Bénédictine – angostura bitters –, Inventé en 1938 par Walter Bergeron, barman au Carrousel Bar de l’hôtel Monteleone à La Nouvelle-Orléans.
Un barman nous donne une adresse ; Preservation Hall, pour écouter du vrai jazz joué par des anciens. le « Sweet Emma Barret » – la dernière pianiste de jazz en activité à cette époque, Emma avait 83 ans, elle était paralysée du côté droit. Emma Barret décédera 3 ans plus tard. Allez la voir et l’écouter sur mon YouTube. Phénoménal !!
******
L’ACCIDENT
Lorsque nous ressortons avec Cléo, l’aube se lève, je me sens fatigué, brutalement je ressens un coup de poignard dans la poitrine, un rouleau compresseur m’écrase, je tombe au sol, un voile noir, je perds connaissance.
Je me réveille sur un brancard, dans un couloir d’hôpital, Cléo est à mes côtés.
– Ça va aller, tu as fait un infarctus, une ambulance de la police nous a amenés ici au Charity Hospital, parce que nous n’avons pas d’assurance. Je suis inquiète, personne ne s’occupe de toi.
À cet instant, un jeune médecin s’approche de nous et parle longuement avec Cléo.
– Alors, que t’a-t-il dit, je n’ai rien compris, en dehors du mot « dead » ?
C’était un médecin italien en stage ici. On t’a juste stabilisé, il nous a conseillé de quitter au plus vite cet hôpital, car ils ne vont pas te soigner correctement. Comme tu le vois, le couloir est plein de patients en attente de soins, la plupart sont des noirs, certains gravement blessés.
Je vais aller chercher un taxi, nous passerons à notre hôtel récupérer les bagages et, ensuite, directement à l’aéroport.
Je ne réagis pas, ne comprends rien à ce qui m’arrive.
Cléo revient tout essoufflée, elle a l’air paniquée.
– J’ai trouvé un taxi, il nous attend devant l’entrée, allons-y, je te pousse jusqu’à la porte, là le chauffeur viendra nous aider, enfin je l’espère, je lui ai promis un gros pourboire.
Le jeune stagiaire italien s’approche de nous, et tend une feuille rose à Cléo, met sa main à la poche et en retire deux tubes métalliques de ce qui semble être des médicaments.
– Buona Fortuna.
Nous arrivons devant la porte, c’est à ce moment que je m’aperçois que j’ai le côté gauche en partie paralysé, le bras, un peu la jambe et la moitié du visage, sans parler que je suis en slip.
J’arrive cependant à m’asseoir sur le bord du brancard, mais impossible d’en descendre.
Cléo fait signe au chauffeur de taxi, par chance c’est un colosse, ni une ni deux, il me prend dans ses bras et me dépose délicatement sur le siège avant. Cléo s’installe à l’arrière et donne l’adresse de l’hôtel.
Pendant que Cléo s’occupe de régler la chambre et de récupérer nos bagages, je reste assis comme un enfant sage, totalement dépassé par les événements.
Cléo ressort avec nos bagages, qui se limitent à deux sacs de voyage et à nos sacs à dos. Le chauffeur enfourne tout ça dans le coffre et se remet au volant prêt à repartir.
– Where are we going now ?
– À l’aéroport international s.v.p. lui répond Cléo.
Reste un problème, il semble indispensable que je m’habille décemment. Cléo en discute avec le taximan.
– OK. j’ai compris.
Il dit qu’il connait un endroit tranquille où je pourrai me changer.
Sympa le mec, faudra lui raquer un sacré pourboire.
Nous sortons de la ville en direction de l’Airport International Louis Armstrong.
Nous longeons l’ancien cimetière, le chauffeur qui a l’air de connaitre les lieux y pénètre par une porte dérobée, nous nous trouvons sur une place ombragée, abritée par des arbres centenaires. Pas un bruit, pas âme qui vive aux alentours, normal c’est un cimetière.
– Here is a good place.
Cléo ouvre mon sac et cherche un short et un t-shirt à me mettre, les enfiler s’avère plutôt ardu, le chauffeur nous donne un coup de main. Me voilà à nouveau présentable.
Nous reprenons la route, arrivés devant la porte des départs, notre chauffeur descend et va discuter avec une hôtesse d’accueil qu’il semble connaître. Quelques instants plus tard la voilà qui pousse un fauteuil roulant et qui m’y installe confortablement, en me recouvrant les jambes d’une couverture.
Cléo paye la course et donne 100 $ à ce serviable chauffeur de taxi qui nous a tellement facilité notre fuite “inhospitalière”.
Le plus difficile reste à faire, trouver une place dans un avion pour Boston.
Cléo sort de sa poche son arme secrète, un certificat d’urgence médicale qui nous donne la priorité sur tous les vols.
Dans l’heure qui suit, nous sommes assis dans un avion-direction Boston via le Hub d’Atlanta.
Comme j’ai de la difficulté à respirer, Cléo me fait avaler 3 gélules de Trinitrine, l’amélioration est immédiate.
Je m’endors et me réveille à l’arrivée à Boston. Après discussion, nous prenons une chambre dans un hôtel à proximité de l’aéroport. Il faut être prudent et pas trop m’agiter.
Cléo va se charger de toutes les démarches pour notre retour en Suisse.
Je réussis à joindre monsieur Ramirez pour lui expliquer ce qui m’arrive. Je ne peux malheureusement plus revenir au 113 de Jamaica Plain.
– Ma compagne va venir pour récupérer nos effets personnels.
– Blaise, j’espère que tu vas te rétablir, ne te fais pas de souci, je t’envoie Ernesto qui va accompagner ton amie à votre domicile et la ramener à l’hôtel. Donne-moi l’adresse. - Impossible de discuter avec sieur Ramirez.
– Merci, Manuel.
Le lendemain matin, nous quittons Boston, agrafé dans nos passeports un avis d’interdiction de séjour sur le territoire des États-Unis pour les dix prochaines années. Avec une autorisation touriste de 3 mois, nous y sommes restés plus d’un an.
Merci pour ton hospitalité Oncle Sam.
Nous comptions boucler notre périple à pied et en stop par la côte Est de Miami jusqu’à Boston, le destin en a décidé autrement.
Malgré mon accident cardio-vasculaire, cela a été une extraordinaire aventure.
C’était quand même chouette l’Amérique. Adieu oncle Sam.
Vous…là… dehors 👉🏿👉🏿👉🏿
************
Prochain chapitre N°14 – Soleil noir
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire